À quoi sert la sexualité ?

Même dans le monde animal, le sexe ne sert pas seulement à se reproduire… Des études récentes offrent un autre regard sur les origines, les raisons d’être et les effets de la sexualité sur les êtres vivants.

« À quoi sert la sexualité ? » La question est d’autant plus déroutante que la réponse semble aller de soi : d’abord le sexe fait du bien 1. La recherche du plaisir est une motivation fondamentale qui conduit les organismes vivants à se reproduire.

Une finalité : la reproduction. Un moyen : la copulation. Un stimulant : le plaisir. Les choses sont bien faites, n’est-ce pas ? Voilà ce qui fait tourner le monde depuis des millions d’années. Lors de la saison des amours, dès que les arbres sont en fleurs, les oiseaux mâles se mettent à chanter pour attirer les femelles. Plus tard, dans le creux de l’été, la chenille se transforme en un papillon qui ne pense plus qu’à une chose au cours des quelques semaines qu’il lui reste à vivre : le sexe. L’histoire de l’évolution pourrait se résumer en une phrase : une force d’attraction universelle pousse les organismes les uns vers les autres ; ils s’attirent, se désirent, vont s’entremêler pour une fin ultime : la reproduction…

Sauf que les études récentes sur l’évolution de la sexualité prennent le contre-pied de ces évidences 2.

Sexualité et reproduction ne vont pas toujours de pair

Contrairement à une opinion courante, la sexualité n’est pas nécessaire à la reproduction. La vie est apparue sur Terre il y a 4 milliards d’années, et pendant 3 milliards d’années, la vie microbienne s’est propagée et diversifiée par simple division cellulaire – une cellule se divise en deux –, sans passer par la fécondation d’un partenaire. Le clonage reproductif ne se limite pas à la reproduction des bactéries. De nombreuses plantes, des peupliers aux fraisiers, peuvent se reproduire sans sexualité. C’est le cas aussi d’environ 5 % des espèces animales : des espèces de lézard, de grenouilles, de raies et même de requins se reproduisent par parthénogenèse, sans avoir besoin de mâles. Quant aux méduses ou pucerons, ils utilisent la double reproduction : sexualité et asexuelle. Tout comme les femelles phasmes qui utilisent la reproduction sexuelle selon la présence ou non de mâles à proximité.

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Mais si les animaux peuvent se reproduire sans sexe, alors pourquoi la sexualité est-elle apparue ? Voilà en effet un système de reproduction compliqué qui oblige à partager ses gènes avec autrui. Si, comme l’a soutenu Richard Dawkins, les organismes ne sont que des machines à répliquer leurs gènes, le sexe est même un mauvais choix. Car avec le sexe, la réplication est très partielle, puisqu’elle oblige à un mélange avec un partenaire. Les femelles auraient donc intérêt à se reproduire sans mâles. Et on a vu que certaines le font très bien.

À vrai dire, l’existence de la reproduction sexuée est une énigme sur laquelle se penchent les théoriciens de l’évolution depuis des décennies.

Le sexe produit de la variété

L’une des théories en vogue chez les théoriciens de l’évolution est qu’en mélangeant les gènes, la sexualité produit de la variété.

La reproduction par clonage est en effet plus simple mais comporte un risque : une grande homogénéité génétique. Toute infection d’un parasite tueur peut se répandre à une vitesse foudroyante et éliminer l’espèce entière. La reproduction sexuelle, bien que plus compliquée, introduit de la diversité entre organismes apparentés et conduit à un mélange des gènes : il limite donc la propagation des parasites (chez les individus résistants). Une hypothèse voisine est que le clonage produit des tares irréversibles qui se propagent d’une génération à l’autre alors que le brassage génétique permet de neutraliser une mutation néfaste présente chez un seul des parents.

Enfin et surtout, en produisant de la diversité, la sexualité permet aux espèces de s’adapter à des environnements changeants. C’est la thèse que défend Pierre-Henri Gouyon. Toutes ces hypothèses se ressemblent et convergent vers une explication : l’avantage du sexe est de produire de la biodiversité.

Le sexe, c’est compliqué

C’est la raison pour laquelle le sexe aurait pris l’avantage sur l’autre forme de reproduction. À partir de là, tout aurait pu se faire simplement. Après tout, pour que deux organismes s’apparient, il suffit d’un tube et d’un tuyau, ou même simplement deux orifices (comme les oiseaux chanteurs qui n’ont pas de pénis mais un cloaque) et l’affaire peut se conclure aisément. Mais la nature semble avoir choisi des voies beaucoup plus tortueuses.