Le pouvoir est aux femmes et les hommes sont sous leur coupe, muselés et impuissants ! Le constat alarmiste d’une crise de la masculinité est propagé par les réseaux sociaux, des forums de discussion, et certains ouvrages de la psychologie populaire ou encore des magazines. Pour lutter contre cette crise du mâle moderne, la résistance virile s’organise désormais autour de psychologues et de coaches qui animent des séminaires pour apprendre à séduire. Tel est le point de départ de l’enquête menée pendant plus de trois ans, à la fin des années 2000 par l’anthropologue Mélanie Gourarier sur la « communauté de la séduction » 1.
Venu des États-Unis, ce mouvement s’est structuré d’abord autour de figures comme Ross Jeffries qui se définit comme un « coach en séduction ». Son best-seller publié en 1992 puis traduit en France sous le titre explicite de Comment attirer les femmes que vous désirez dans votre lit ? est un manuel inconvenant de séduction à l’usage des hommes qui en ont marre de passer pour de gentils garçons. Il a rapidement connu un fort succès outre-Atlantique et a inspiré de nouvelles vocations de gourous de la séduction. Dans leur orbite, des forums de discussion et des groupes de rencontre se sont créés pour fédérer un ensemble d’hommes partageant la même envie de défendre leur virilité en partant à la (re)conquête du pouvoir de séduire.
Le phénomène s’est ensuite diffusé en France, certes de manière confidentielle, mais réelle. Au moment de l’enquête, M. Gourarier dénombre ainsi une dizaine de groupes possédant leur propre site Internet et se réunissant une fois par mois. Si le mouvement puise toujours ses racines aux États-Unis, la France produit ses propres figures masculinistes médiatiques comme Éric Zemmour ou Alain Soral. Dans ces écrits fortement relayés sur les forums de discussion concernés, il est avant tout question de la défense de la « cause des hommes ». C’est ce que l’auteur désigne sous le terme de « masculinisme » : « Le masculinisme a pour particularité de constituer les hommes en groupe social spécifique, dont les intérêts sont opposés à ceux des femmes. La défense d’intérêts qui seraient proprement masculins passe par la résistance au féminisme, perçu comme une idéologie homogène et hégémonique. » Dans cette perspective, le fait de décliner le pouvoir de séduire au masculin permet non seulement d’affermir la division des sexes mais surtout de réaffirmer la domination du masculin sur le féminin.