© MARIKA GYSBERS ALIAS MOG
Fresque murale de l’artiste Marika Gysbers alias MOG, réalisée en 2018 à Montauban, la ville natale d’Olympe de Gouges.
De nos jours, Olympe de Gouges est connue pour la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne adressée à la reine Marie-Antoinette en 1791. Ce texte réclame les mêmes droits pour les femmes que ceux acquis par les hommes lors de la Révolution française. Considérée comme une pionnière du féminisme, Olympe de Gouges était avant tout une femme ambitieuse et intrépide. « Elle a décidé de sa vie et c’est par là qu’elle est subversive », résume l’historienne spécialiste des femmes, Michelle Perrot, dans la biographie qu’elle lui a consacrée.
Femme de lettres, dramaturge, autrice de pièces de théâtre dont certaines comportent des idées avant-gardistes, notamment contre l’esclavage et le mariage, elle a cherché la reconnaissance de ses contemporains et voulu que ses pièces soient jouées publiquement quand peu de femmes y parvenaient à l’époque en raison de la misogynie du monde intellectuel. Acquise aux idéaux révolutionnaires, Olympe de Gouges a voulu avoir voix au chapitre et monter à la tribune. Une ultime transgression qui lui a valu la guillotine. Mais comment en est-elle arrivée là ?
Une enfance modeste
La forte personnalité d’Olympe de Gouges trouve ses racines dans son enfance modeste. Originaire de Montauban, Olympe de Gouges est ce qu’on appelle alors communément une bâtarde. Sa mère, Anne-Olympe Mouisset, fille d’une riche famille d’artisans drapiers, entretient une relation amoureuse avec le marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. Mais les familles des deux jeunes gens ne voient pas cette liaison d’un bon œil comme l’expliquera Olympe de Gouges dans son roman autobiographique, Mémoire de Madame de Valmont (1788). Anne-Olympe est finalement mariée à Pierre Gouze, un jeune boucher, et Jean-Jacques Lefranc de Pompignan envoyé à Paris pour débuter une carrière de dramaturge. Quelques mois plus tard, Anne-Olympe accouche en 1748 d’une petite fille dont la ressemblance avec le marquis laisse peu de doute sur sa paternité.
Pierre et Anne-Olympe, ses parents légitimes, la baptisent sous le nom de Marie Gouze. Pierre Gouze meurt deux ans plus tard, en 1750. Marie vit une enfance relativement modeste et peu instruite – probablement auprès des Ursulines de Montauban, mentionne l’historien Olivier Blanc, son biographe. À son grand désespoir, elle est mariée très jeune (à 17 ans) avec un homme plus âgé qu’elle n’aime pas, Louis-Yves Aubry, officier de bouche de l’intendant de Montauban. Marie tombe rapidement enceinte et donne naissance à un fils, Pierre, en 1766.
Louis-Yves Aubry décède quelques années plus tard. Marie Aubry prend alors deux grandes décisions. La première, celle de ne pas se remarier (ce qui semble impensable à l’époque) ; elle considère le mariage comme « le tombeau de l’amour et de la confiance ». La seconde, de ne pas porter son nom de veuve, Aubry. Elle reprend le prénom de sa mère, Olympe – auquel elle ajoute parfois son prénom d’origine, Marie – et le nom de son père légitime, Gouze, qu’elle modifie légèrement en Gouges. Enfin, elle y accole une particule, en signe de distinction.
Devenue Olympe de Gouges, la belle jeune femme de 20 ans prend pour amant Jacques Biétrix de Rozière, fils d’un transporteur militaire installé dans la région. Jacques Biétrix entend obtenir un poste au ministère de la Marine et part donc vivre à Paris. Accompagnée de son fils, Olympe rejoint sa sœur, déjà installée dans la capitale, peut-être pour suivre son amant, suggère Olivier Blanc.
Devenir une femme d’esprit
Olympe de Gouges, qui cherche à pénétrer les salons parisiens, se présente comme une jeune mère dédiée à l’éducation de son fils. Son but : devenir une femme d’esprit. Mais Olympe n’a ni l’éducation ni les moyens financiers nécessaires. Qu’à cela ne tienne ! Son riche amant, Biétrix, lui octroie une rente viagère qui lui permet de subvenir à ses besoins.
Olympe de Gouges déménage souvent afin de rester au plus près des personnalités les plus en vue de la vie intellectuelle. Elle fréquente des cercles littéraires, en particulier le salon de Madame de Montesson (femme de lettres et maîtresse officielle de Louis-Philippe, duc d’Orléans). Madame de Montesson, qui soutient les idées révolutionnaires, a la réputation de traiter tous ses invités sur un pied d’égalité, parmi lesquels on trouve les dramaturges mal reçus dans les théâtres royaux, à qui elle permet de jouer. Olympe se passionne pour le théâtre. Elle écrit des pièces et entreprend de lancer sa propre troupe. Son fils, Pierre, tient des rôles de jeune premier.
À partir de 1776, Olympe de Gouges figure en bonne place dans l’Almanach de Paris, une sorte de bottin mondain. En 1778, elle déménage et s’installe dans le quartier du Sentier où elle s’entoure de journalistes, de philosophes et d’auteurs dramatiques. Elle se lie notamment d’amitié avec Louis-Sébastien Mercier, dont les pièces de théâtre sont reconnues. Il l’aide à retoucher ses écrits. En effet, Olympe, bien que vive d’esprit, maîtrise mal l’écriture et fait dicter ses pièces, produites très vite, à des secrétaires. Elle n’hésite pas à s’en vanter, ce qui offense ses contemporains.