Décrit comme un symptôme de la schizophrénie au début du 20e siècle puis comme un trouble à part entière pendant la Seconde Guerre mondiale, l’autisme fut longtemps décrit, à tort, comme une tentative psychotique de claustration face à un monde menaçant, voire de fuite face à des parents maladroits ou mal aimants (singulièrement une « mère frigidaire »). Au début des années 1980 s’imposa la notion de syndrome d’Asperger, du nom du pédiatre autrichien qui, quarante ans plus tôt, avait décrit des enfants autistes se distinguant par une absence de retard mental et une excellente maîtrise du langage. Aujourd’hui, des autistes Asperger comme Daniel Tammet, Josef Schovanec ou, plus récemment, Julie Dachez, ont acquis une réelle reconnaissance publique, médiatique et littéraire en expliquant que l’origine de leurs comportements atypiques est à chercher notamment dans leurs perceptions et leur sensibilité particulières, et non dans un déficit ni un handicap. Internet a libéré la parole de multiples blogueurs, et surtout blogueuses surnommées les Aspergirls, telles Rudy Simone et Marie-Josée Cordeau. Avec parfois, en point de mire, l’exigence d’une reconnaissance par le tout-venant « neurotypique » d’une « neurodiversité » des profils neurodéveloppementaux, sur fond de fierté autiste revendiquée depuis 2005 à la suite de la professeure de sciences animales Temple Grandin ou de l’artiste Donna Williams par exemple. Une perspective salutaire mais qui frôle occasionnellement le communautarisme en décrivant les autistes de haut niveau comme une minorité opprimée par des neurotypiques totalitaires stigmatisant les différences. Ironie du sort, c’est par ailleurs au moment où le syndrome d’Asperger acquiert ses lettres de noblesse que la révélation d’une connivence zélée de Hans Asperger avec le régime nazi a lancé des débats sur l’opportunité de renommer le syndrome.
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