L’attentat qui a détruit les Twin Towers de New York en 2001 a été suivi de beaucoup d’autres, spectaculaires et faisant de nombreuses victimes, commis dans des pays et des lieux divers, et selon des méthodes imprévues. De sorte qu’aujourd’hui, nous devons nous rendre à l’évidence : presque tous les pays du monde sont concernés par une menace constante d’actes terroristes.
Effondrement du sentiment de sécurité
Comment les sociétés et les États visés peuvent-ils envisager d’en limiter les dégâts autrement que par des moyens policiers, militaires ou de surveillance ? Il existe des dispositifs qui s’adressent aux émotions et aux conduites des personnes exposées à ces risques de violence. Ces moyens visent l’avant, le pendant et l’après des attentats. Avant, il s’agit de faire prendre conscience aux gens de leur capacité à résister aux chocs, de les aider à se renforcer moralement et de donner aux collectivités les moyens de s’organiser. Pendant, il s’agit de porter secours aux victimes le plus vite possible, et de repérer et assister ceux qui auront besoin d’aide. Après, il sera question de traiter ceux qui sont encore sous le choc, et de faire le maximum pour éviter la conséquence psychologique la plus redoutable du terrorisme : la névrose posttraumatique. Israël, du fait de l’ancienneté et de la fréquence de son exposition aux attentats, est le pays qui a, le plus tôt, développé et appliqué bon nombre des méthodes qui sont actuellement en vigueur dans le monde, c’est pourquoi nous prendrons nos exemples dans ce pays.
Toute catastrophe, qu’elle soit naturelle ou d’origine humaine accidentelle, peut faire des victimes et engendrer des chocs psychologiques. Mais le terrorisme a une particularité : c’est une attaque délibérée contre des personnes prises au hasard, qui sape la confiance que chacun de nous fait inconsciemment à son environnement habituel. Quand je marche dans la rue, je fais implicitement confiance aux passants et j’attends que les voitures roulent sur la chaussée. Si n’importe quel passant peut se jeter sur moi avec un poignard, n’importe quelle voiture foncer sur moi, je me sens vulnérable partout. Cet effondrement du sentiment de sécurité est la cause d’un élargissement du cercle des victimes potentielles. Aux victimes directes (présentes au moment de l’attentat), il faut ajouter les indirectes : les parents et amis des blessés, les aidants (pompiers, personnel médical…) et les personnes qui assistent à la scène à la télévision. Une étude américaine 1 menée deux semaines, puis un an après l’attentat du 11 septembre auprès de 1 906 personnes a montré que la réaction immédiate sévère au choc, ou « état de détresse aiguë », a été plus fréquente chez les téléspectateurs (12,8 %) que chez des personnes directement témoins des faits (9,3 %). Cela, même si la proportion de gens souffrant de névrose posttraumatique un an après l’attentat est plus élevée chez les victimes directes (11,2 %) que chez les téléspectateurs (4,7 %),
Avant l’attentat, travailler la résilience
L’idée de base, en prévention, est d’aider les gens à affronter des situations stressantes. On peut distinguer deux modalités : l’aide au coping, c’est-à-dire à la capacité d’affronter un stress violent, et l’aide à la résilience, c’est-à-dire à la capacité de récupérer après un choc 2. La résilience existe à l’état naturel. Le professeur Mooli Lahad, qui dirige le Centre communautaire de prévention du stress (CSPC) de Tel Hai College, au nord d’Israël, rapporte que, lorsqu’il s’est installé là vers la fin des années 1970, sachant que la région était soumise en continu à des tirs de fusées, il s’attendait à trouver une population très traumatisée. À sa grande surprise, il n’en était rien : lui et ses collègues psychologues recevaient une clientèle semblable à celle des régions calmes du pays. En enquêtant, il s’aperçoit que la capacité de résistance varie d’une personne à l’autre. Il met alors au point un modèle de coping, le BASIC Ph, qui recense six manières différentes de faire face à un stress majeur : 1) s’appuyer sur des croyances et des valeurs ; 2) exprimer ses sentiments et émotions ; 3) s’appuyer sur ses parents et amis ; 4) imaginer que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent ; 5) rechercher des informations ; 6) avoir des activités physiques, et aussi manger. En 1980, après dix jours de bombardements intensifs ayant amené les habitants de la ville de Kiryat Schmona, proche du Liban, à vivre constamment dans des abris, le ministère de l’Éducation israélien a créé pour la région un centre de stress, dont M. Lahad a pris la direction ; il a alors mis au point et diffusé un entraînement au coping sur cette base.