« Cet homme ira loin, il croit tout ce qu’il dit », ironisait, dit-on, Mirabeau au sujet de Robespierre. En 1789, alors simple député du tiers état parfois raillé pour sa gaucherie oratoire, celui qu’on allait bientôt surnommer « l’Incorruptible » forçait déjà le respect de ses pairs par la ferveur de ses convictions. S’ensuivra la carrière politique que l’on sait, marquée par une irrésistible ascension jusqu’au 27 juillet 1793, date à laquelle il est élu au Comité de salut public dans un contexte militaire inquiétant, tant à l’intérieur qu’aux frontières du pays. Puis, un an plus tard, sa chute du 9 thermidor, elle aussi célèbre, mettra un terme à ce que beaucoup d’historiens considèrent comme une parenthèse sanglante de la Révolution. Ces heures sombres, désignées a posteriori sous le nom de Terreur, ne vont pas aujourd’hui sans leur cortège d’images saisissantes : les procès bâclés du Tribunal révolutionnaire, les noyades de Nantes, la guillotine tournant à plein régime…
Tout prémonitoire qu’il fût, le bon mot de Mirabeau ne pouvait laisser présager que Robespierre et la Terreur traverseraient les siècles et viendraient hanter plusieurs générations de philosophes et d’historiens. Aujourd’hui encore, leur ombre continue de planer sur le roman national français, nourrissant autant de débats passionnés que de mises à jour érudites.
Terreur, es-tu là ?
Pourquoi la Terreur nous obsède-t-elle tant ? C’est précisément dans le but d’interroger son irruption et sa permanence dans notre culture politique que Jean-Clément Martin a écrit Les échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’État, 1794-2001. Derrière l’oxymore de ce titre, nulle volonté de contester l’existence de violences politiques. Pas plus de réhabiliter les deux figures emblématiques de la Convention montagnarde, Robespierre et Saint-Just, dont le rôle apparaît cependant bien moins exceptionnel que ce qui a pu être écrit. Pressés par le peuple, pris entre plusieurs feux politiques, mais aussi membres d’institutions où les décisions se prenaient collectivement et au sein desquelles ils n’hésitaient pas, d’ailleurs, à prôner la modération face aux factions extrémistes, l’un comme l’autre ne sauraient porter l’entière responsabilité des dérives « terroristes » commises au nom du gouvernement révolutionnaire.