Des archéologues ont fait une découverte macabre en 2008 : ils ont exhumé les ossements d’une famille de treize personnes, portant des traces de blessures infligées par d’autres humains et datant de - 4 600 ans, comme le rapporte une publication des Comptes-rendus de l’Académie nationale des sciences des États-Unis d’Amérique (PNAS). De nombreux squelettes de femmes et d’hommes du milieu du Pléistocène (- 2,6 millions d’années à - 11 700 ans) en Afrique, en Asie et en Europe comportent de tels traumatismes anatomiques, notamment crâniens. Sur plusieurs continents, dissimulés dans le sol ou sur les murs de cavernes, d’abondants vestiges témoignent de notre préhistoire sanglante. Ces signes de l’ancestralité de la violence humaine ont été analysés par l’anthropologue Lawrence Keeley, pour conclure que la guerre serait un phénomène universel. Trois enquêtes menées à l’échelon planétaire et auprès d’échantillons représentatifs de sociétés tribales et étatiques indiquaient que les formes extrêmes d’agression et les conflits armés touchaient 90 à 95 % des sociétés humaines connues.
Les violences mortelles ont cependant eu tendance à diminuer au fil de l’histoire. Le criminologue Manuel Eisner a montré que l’on comptait 40 homicides pour 100 000 habitants au 15e siècle dans les grandes villes européennes. Au début du troisième millénaire, il s’élève désormais à environ 1 pour 100 000 dans notre pays. Concernant d’autres formes de violence, diverses enquêtes confirment que l’image médiatique d’une épidémie doit être relativisée. S’il est indéniable que certaines formes d’agression se sont récemment développées (par exemple, le cyberharcèlement), une intolérance croissante pour les violences physiques et verbales et une plus grande préoccupation pour leurs victimes se manifestent aujourd’hui dans de nombreux pays.
On peut définir une agression (synonyme de violence dans ce texte) comme un comportement dont le but est de blesser délibérément une personne motivée à se soustraire à ce traitement. On peut en distinguer le caractère physique ou verbal, la dimension active (un coup de poing) ou passive (une omission volontaire et mal intentionnée) et le caractère direct (présence personnelle de la victime) ou indirect (propagation de rumeurs). Lorsqu’une agression est hostile, elle vise à infliger une souffrance ou à causer du tort à autrui, répondant souvent à une irritation circonstancielle ou à une injustice perçue. L’agression instrumentale correspond quant à elle à un comportement par lequel l’appropriation d’une ressource (territoriale, énergique, matérielle) ou l’expression d’une revendication statutaire sont prioritaires : ce n’est pas ses victimes qui sont visées mais un but tangible qui peut être matériel ou social comme le respect ou un regain de statut.