L'attachement

Aux sources des liens personnels

Il existe un besoin inné de relation d'affection et de communication qui pousse l'enfant à rechercher le contact avec ses proches. Telle est la théorie de l'attachement, élaborée il y a quarante ans, et qui a donné lieu à une foule de recherches.

En 1958, un coup de tonnerre retentit dans le ciel de la psychologie de l'enfant ainsi que de la psychanalyse. A l'origine de ce tumulte, deux articles, l'un publié par Harry Harlow, un éthologiste américain, l'autre par John Bowlby, un psychanalyste anglais. A cette époque, les spécialistes du bébé admettaient quasi unanimement la thèse, issue de la psychanalyse, selon laquelle le bébé s'attache à sa mère par suite de l'allaitement. Or, par des voies différentes, ces deux auteurs tendent à démontrer que l'attachement est un besoin primaire, résultant de mécanismes innés 1.

En observant le comportement de singes macaques rhésus en captivité, H. Harlow note que la satisfaction des besoins de nourriture n'est pas essentielle dans l'établissement des liens entre la mère et son bébé. Autrement dit, le besoin de contact prime sur la faim. Parmi diverses expériences, il place côte à côte deux fausses mères : l'une en métal et pourvue d'un biberon, l'autre recouverte de fourrure et réchauffée artificiellement, mais sans biberon. Le bébé singe préfère la seconde mère, étant ainsi prêt à sacrifier la satisfaction de ses besoins alimentaires à la recherche du contact.

Quant à J. Bowlby, il était insatisfait par l'explication psychanalytique selon laquelle l'enfant se lie à sa mère parce qu'elle le nourrit. C'est alors qu'il découvre les travaux de l'éthologue Konrad Lorenz, en particulier ceux relatifs au processus de l'« empreinte » chez certains animaux. Par exemple, les canetons, au cours des heures qui suivent leur éclosion, se lient spécifiquement à leur mère, notamment en la suivant dans ses déplacements. Cette empreinte filiale s'opère au cours d'une période critique de courte durée (une trentaine d'heures chez la poule domestique).

Dans son article de 1958, J. Bowlby réalise une synthèse critique de la littérature psychanalytique sur la nature du lien entre l'enfant et sa mère. Il souligne en particulier le fait que les observations empiriques des psychanalystes sont en contradiction avec leur croyance en l'attachement comme conséquence de l'allaitement. Selon lui, l'attachement sélectif du bébé à sa mère relève d'un processus analogue à celui de l'empreinte chez les animaux. Le besoin d'attachement est inné, et aussi fondamental que le comportement alimentaire ou le comportement sexuel. Ce qui implique qu'un jeune enfant qui n'a pas l'occasion de s'attacher à une personne au cours des trois premières années ne peut par la suite établir de véritables relations affectives avec d'autres personnes.

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Evaluer le comportement du jeune enfant

L'auteur qui a ensuite le plus contribué au développement de la théorie de l'attachement est sans conteste la psychologue américaine Mary Ainsworth, qui a d'ailleurs travaillé avec J. Bowlby dans les années 60. Désirant utiliser une méthodologie scientifiquement rigoureuse, elle met au point la procédure, aujourd'hui célèbre, de la « situation étrange » (strange situation), auprès d'enfants d'environ un an 2. Celle-ci comporte plusieurs étapes, en particulier les suivantes : la mère passe un moment avec son enfant ; puis une personne étrangère arrive et attire l'attention du bébé ; la mère quitte ensuite la pièce ; elle revient et l'étrangère sort ; la mère repart et laisse l'enfant seul après lui avoir dit qu'elle revient de suite. Au fil des années, cette procédure est en quelque sorte devenue la méthode standard d'étude de l'attachement.