Baby-boomers, une génération sans pareille

Paix, prospérité, plein emploi, foi dans le progrès : les baby-boomers ont occupé une place privilégiée dans l’histoire… Tout en se retrouvant à la fois acteurs et spectateurs de bouleversements sans pareil.

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Il existe, dans la pyramide des âges qui reflète l’actuelle composition de la population française, une génération à maints égards singulière, dont les traits particuliers constituent une clé pour décrypter le dernier demi-siècle de notre histoire nationale. Son identité démographique et historique est bien connue et souvent rappelée : la France connut à la Libération un bond spectaculaire de ses naissances annuelles et, si un tel taux élevé de natalité s’y poursuivit jusqu’aux années 1970, il existe au sein de cette tranche trentenaire une strate grossièrement décennale ayant une histoire commune.

La génération des 4P

Si le baby-boom a duré trente ans, seuls les « beaux bébés » – l’expression est du général de Gaulle – nés entre 1945 et 1955, ainsi que leurs aînés conçus sous l’Occupation, forment une génération spécifique car soudée par une configuration historique favorable qui ne concerna, au même âge, ni leurs aînés ni leurs cadets : au temps de leur adolescence et de leur entrée dans le monde adulte, ils bénéficièrent, en effet, d’une sorte d’alignement des planètes extrêmement propice, que l’on peut résumer par quatre P : la paix, la prospérité, le plein-emploi et la foi dans le progrès. Leurs parents et leurs grands-parents avaient connu le temps des guerres mondiales, leurs frères aînés celui des guerres coloniales, tandis que leurs cadets nés après 1955 auront 20 ans dans la France de l’après 1973, qui voit la mort des trente glorieuses et du temps d’une croissance conquérante.

Entre-temps, dans les années 1960 et la première partie de la décennie suivante, la configuration historique n’avait jamais été aussi favorable. Une croissance annuelle de 5 % en moyenne, une entrée sur le marché du travail aisée, le sentiment, confirmé par les faits, que demain serait meilleur qu’aujourd’hui, autant de P que confortait encore davantage le P de la paix : après 1962, qui voit tout à la fois la fin de la guerre d’Algérie et, sur le registre des relations internationales, les débuts de la « coexistence pacifique », se termine pour la France un cycle presque séculaire où la guerre était toujours en ligne d’horizon et où chaque génération successive devait se préparer à mourir éventuellement par la patrie. Quatre fées s’étaient donc penchées non seulement sur le berceau mais sur l’adolescence et les débuts de l’âge adulte de cette génération. Non seulement, elle vivait dans un pays désormais en paix mais elle y connaissait une insertion socioéconomique globalement faste : le sociologue Louis Chauvel, en élaborant une sorte de typologie des « destins » économiques des générations qui se sont succédé au fil du 20e siècle, a montré que la strate née entre 1945 et 1955 occupe une place historiquement privilégiée, objectivement favorisée par le contexte économique.