Rorke's Drift était en 1879 un petit poste de ravitaillement de l'armée coloniale anglaise, à la frontière de la colonie britannique du Natal (en Afrique du Sud). C'est là, les 22 et 23 janvier de cette même année, qu'une centaine de soldats britanniques commandés par deux sous-officiers résistèrent et repoussèrent seize heures durant les assauts d'un impi zoulou, formation de 4 000 guerriers. Les capacités militaires des soldats zoulous, leur bravoure et leur courage ne sont pas en cause. Ils venaient, la veille à Isandhlwana, de défaire et d'anéantir une force britannique dix fois supérieure à celle qu'ils allaient affronter. Ils disposaient de nombreux fusils, pris aux envahisseurs britanniques. La raison pour laquelle, à Rorke's Drift comme en des milliers d'autres engagements militaires, des troupes occidentales inférieures en nombre anéantirent des armées tribales ou impériales tient à leur utilisation méthodique d'un armement meurtrier, à une discipline de fer, à leur capacité de tenir leur position jusqu'à la mort. Comme l'ont souligné à l'envi les guerres coloniales dès la prise de Mexico par Hernan Cortès, la troupe occidentale, même en nombre minime, est une formidable machine à tuer.
Pourquoi les Britanniques ont-ils colonisé l'Afrique du Sud, l'Inde, l'Amérique du Nord ? Pourquoi ce ne fut pas au contraire l'Inde, l'Etat zoulou ou les tribus amérindiennes qui au contraire colonisèrent les îles Britanniques ? Pourquoi l'Europe occidentale n'a-t-elle pas été envahie par des forces étrangères depuis la fin de l'Empire romain, et pourquoi au contraire, de toutes parts, les Européens ont-ils asservi la presque totalité de la planète durant les derniers siècles ? C'est à répondre à ces questions que s'attache le livre de Victor Davis Hanson. Pour lui, cette aptitude remonte à la Haute Antiquité, il y a plus de 2 500 ans, lorsque les cités grecques et leurs phalanges de hoplites (fantassins cuirassés et armés de lances) se battaient les unes contre les autres en formations compactes et, surtout, furent capables de repousser et d'anéantir la menace de l'immense Empire perse au ve siècle avant notre ère. Les phalanges grecques (au maximum 50 à 60 000 hoplites coalisés) surent s'opposer à des armées multi-ethniques de centaines de milliers de soldats. Leur type de bataille devint en Méditerranée le « standard » militaire, particulièrement durant la période hellénistique. Il existe depuis lors un « paradigme occidental » de la guerre, transmis à Rome, adopté par les peuples barbares et alliés de Rome, survivant au Moyen Age puis réaffirmé avec éclat de la Renaissance à aujourd'hui. Cette forme occidentale de la guerre est, souligne V.D. Hanson, liée à la culture, c'est-à-dire à « la pratique du gouvernement, de l'économie, de la science, du droit, de la religion... ». Pour prouver l'existence de cette forme occidentale de la guerre, la comprendre, V.D. Hanson analyse des batailles qui s'échelonnent des Grecs à nos jours, sur tous les continents, et dans lesquelles des armées occidentales ont été impliquées ; non pas des batailles systématiquement gagnées par les Occidentaux, mais des exemples et des moments historiques qui illustrent les traits fondamentaux de cette culture si singulière et efficace au plan militaire.