Le débat sur les différences cognitives et cérébrales entre les sexes est parsemé d’embûches. Quelles sont les principales ? Et comment aboutir à un débat plus serein et plus rationnel ?
L’exagération ou le négationnisme
Dans le débat sur les différences entre les sexes, l’écueil le plus fréquemment rencontré est sans aucun doute l’exagération. à son paroxysme, c’est le discours « les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus », qui tend à suggérer que les deux sexes seraient qualitativement différents dans leurs aptitudes cognitives, tout autant que dans leurs organes génitaux. Cet argumentaire de la différence cognitive, relayé par de nombreux lieux communs, est infondé. Il en est de même au niveau cérébral : les cerveaux masculins et féminins ne sont pas qualitativement différents, même si de petites spécificités les distinguent.
Le travers opposé à l’exagération des différences entre les sexes est bien entendu leur négation. C’est un discours qui se développe essentiellement en réaction au premier. Il n’est pas plus acceptable, dans la mesure où il existe des données scientifiques claires montrant des différences entre les sexes. Nier les différences, c’est autant déformer la réalité que les exagérer.
Par exemple, il n’est pas correct d’affirmer qu’« il est impossible de deviner, en regardant un cerveau adulte, s’il appartient à un homme ou une femme 1 », dans la mesure où de nombreuses différences neuroanatomiques entre les sexes ont été documentées, y compris dans des études à grande échelle comprenant des milliers d’individus 2, et synthétisées dans des méta-analyses 3. S’il est vrai qu’il est impossible de distinguer des cerveaux masculins et féminins à l’œil nu (hormis la différence moyenne de volume qui permet déjà de les distinguer un peu mieux qu’au hasard), il est possible de deviner le sexe d’environ 70-80 % des cerveaux en faisant des analyses plus sophistiquées des propriétés neuroanatomiques 4.
L’essentialisme
Le biais le plus souvent associé à l’exagération est celui de l’essentialisme (ou encore de la naturalisation). Il consiste, partant d’une différence entre les sexes donnée (réelle ou supposée), à considérer que cette différence reflète l’essence même des hommes et des femmes. Par exemple, les hommes seraient par nature plus agressifs que les femmes, et les femmes seraient par nature plus sensibles (émotionnellement).
On peut voir l’essentialisme comme une forme de nativisme extrême, une position consistant à considérer que les caractères d’une personne sont de manière générale fixés dès la naissance.
L’essentialisme constitue donc une réponse dogmatique à la question de savoir quelles sont les origines des différences observées entre hommes et femmes. La réponse proposée est que ces différences sont nécessairement le fruit d’influences génétiques et biologiques précoces, et n’ont rien à voir avec la culture et l’environnement social. C’est évidemment une réponse possible, potentiellement correcte pour certaines différences, mais en avoir la certitude nécessiterait des données scientifiques particulièrement solides et convergentes, ce qui n’est généralement pas le cas. De fait, la position essentialiste ne s’embarrasse généralement pas de données et se présente simplement comme « évidente ».