Comment désengorger les tribunaux ?

Traiter les affaires judiciaires à la chaîne, selon des procédures standardisées, permet d’accélérer la décision. Au risque de porter atteinte à une valeur essentielle, le débat judiciaire.

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Depuis quarante ans, la justice est en crise. À vrai dire, la crise y est devenue un mode de fonctionnement à part entière. Lors des audiences solennelles de rentrée, les hauts magistrats annoncent que leurs juridictions « vont dans le mur ». Pourtant tribunaux et cours d’appel continuent de faire face au volume croissant des situations qui leur sont soumises, avec même des délais réduits dans bien des cas. Cette situation est obtenue au prix d’énormes efforts de la part des magistrats et des greffiers. Elle est aussi le fruit de multiples réformes et d’aménagements qui, pour être efficaces, font cependant craindre que l’on renonce aux valeurs essentielles attendues de la justice : la singularité du traitement des affaires et la possibilité de tenir un débat à leur sujet.

Les multiples réformes des dernières décennies ont eu l’efficacité pour objectif et ont porté sur la simplification des procédures et leur accélération. Au pénal, de nouvelles filières répondent aux exigences de rapidité, par exemple la CRPC (le plaider-coupable), la composition pénale ou l’ordonnance pénale. Ces mesures permettent de prononcer des sanctions sans convocation devant la juridiction correctionnelle. Au civil, le divorce avait déjà été simplifié avant la réforme en cours : une seule audience suffit pour le prononcer. Enfin, devant les cours d’appel, tous les délais ont été raccourcis et la dématérialisation des communications avec les avocats est devenue la norme dans la plus grande partie des procès.

La taylorisation du travail

Cependant, les réformes n’ont pas pour seule raison l’efficacité. L’inflation législative, sans cesse dénoncée, s’est amplifiée depuis que la loi est devenue un mode de gestion usuel pour répondre à toute inquiétude publique et démontrer l’engagement des politiques. Un criminel en fuite récidive, on fait une loi contre la récidive, puis une autre, au point que le juge n’a plus le temps de les intégrer. Les réformes sont en outre le résultat de compromis, qui font que parfois leur sens se perd. Que reste-t-il des intentions ambitieuses du projet pour la « Justice du 21e siècle » (encadré ci-dessous) ?