Chacun sait aujourd’hui que les maladies mentales ont une histoire. L’hystérie a disparu et laissé place aux maladies psychosomatiques. La mélancolie est devenue dépression, la démence sénile s’est muée en Alzheimer, l’idiotie est devenue l’autisme. Mais si les troubles mentaux changent, est-ce uniquement parce que les classifications psychiatriques évoluent ou bien parce que, plus fondamentalement, le psychisme des individus change aussi ? Les deux hypothèses ne sont pas incompatibles. D’où la difficulté de démêler ce qui relève du changement des représentations ou de la transformation du psychisme.
Pour aborder cette question cruciale, Pierre-Henri Castel a mené une vaste enquête de psychologie historique autour des « obsédés », désignant par là les personnes tourmentées par le doute, les angoisses, le sentiment de culpabilité, et qui pour conjurer leurs angoisses se livrent à des rituels sans fin de vérification, de contrôle. Leur capacité à agir se trouve ainsi entravée par une « contrainte psychique intérieure » qui les tourmente.
Pour P.‑H. Castel, psychanalyste et historien de la psychiatrie, ces troubles de l’action et de la décision n’ont pas existé de tous temps : ce sont des pathologies propres à la modernité et précisément à l’essor de l’individualisme. Elles sont la conséquence pathologique d’un individu moderne sommé d’assumer son existence à partir d’une autocontrainte intérieure, qui a pris chez certains une forme maladive. Pour parvenir à cette conclusion, P.‑H. Castel propose un long chemin.