Comment traiter avec des terroristes ? Entretien avec Laurent Combalbert

Quand et comment convient-il de négocier 
avec des kidnappeurs ou des forcenés ?

Pour désigner les tractations qui peuvent intervenir dans des situations tendues, comme des prises d’otages, des séquestrations, des conflits sociaux violents, on parle de « négociations de crise ». Quelles sont leurs particularités ?

Ce terme a été utilisé par les services de police. Mais je lui préfère celui de « négociation complexe ». Pourquoi ? Parce que ce qui caractérise le mieux ces situations, c’est la présence d’une grande incertitude, d’une issue aléatoire. Dans une transaction immobilière, le degré d’incertitude n’est pas très élevé : l’acheteur peut renoncer, ou le vendeur refuser l’offre, on se sépare et la vente continue. Dans une prise d’otage, ou face à un forcené, tout peut arriver, et c’est le cas aussi dans certaines situations de conflits sociaux graves, voire dans des négociations commerciales à très fort enjeu. Disons que la notion de « complexité » permet d’élargir le champ de compétence des négociateurs professionnels. La présence d’une menace violente ou d’une forte contrainte n’est pas la seule singularité des négociations dites complexes. Mais dès lors que cette menace violente existe, la négociation est dite complexe.

Quel est le but de négocier dans ces circonstances ? Trouver un moyen terme ou vaincre l’adversaire ?

La négociation a toujours pour but d’obtenir un résultat qui satisfasse les parties prenantes en présence. Que ce soit avec un forcené ou un preneur d’otage, ou un adversaire commercial coriace, l’objectif est le même. Il y a de fait un autre usage possible de la négociation qui a pour but d’affaiblir l’adversaire, et pour cela de faire usage du mensonge et de la tromperie. À mes yeux, cela devrait s’appeler de la manipulation et cela a des conséquences négatives, notamment celle de dévaloriser le recours à la négociation. La doctrine que je défends au sein du réseau ADN est différente : nous cherchons à montrer que les situations les plus extrêmes sont susceptibles d’être dénouées par une négociation honnête.