Un millénaire avant notre ère, l’agriculture et l’élevage dominent désormais l’économie du Monde. Celui-ci compterait 100 à 150 millions d’habitants. Plusieurs civilisations sont apparues, souvent dans des foyers suffisamment peuplés pour entraîner la nécessité administrative d’un usage constant de l’écriture.
• La majorité de ces civilisations sont structurées autour de cités-États : en Chine du Nord ; au Pakistan ; en Mésoamérique ; au pied des Andes ; en Grèce et au Moyen-Orient…
• D’autres espaces civilisationnels, plus informels, reposent sur des communautés culturelles dont l’expansion est favorisée par un moyen de transport à long rayon d’action.
– Le premier est terrestre : en Asie centrale, l’omniprésence du cheval a favorisé l’émergence de formations politiques nomades, qui prendront de plus en plus d’importance à partir de ≈ - 600, avec l’affirmation d’un premier empire nomade, celui des Scythes.
– Les autres sont maritimes, tel le bassin méditerranéen dominé par la thalassocratie phénicienne, avec pour cœur le port de Tyr. La zone de civilisation maritime la plus étendue est celle des populations austronésiennes. Depuis l’Asie du Sud-Est insulaire, elles ont diffusé leurs langues dans une zone s’étendant de l’Indonésie aux îles Fidji, grâce à la mise au point de grands canoës à balanciers et de méthodes performantes de navigation en haute mer.
À partir de ce moment, il est possible de percevoir trois forces unificatrices du Monde, ayant vocation à englober toujours plus de populations : l’État (qui prendra longtemps la forme de l’empire), le commerce et la religion.
Naissance et mort des empires
Un empire naît par conquête, se prolonge par la gestion et périt dans la violence – pour céder la place à un autre empire. Telle semble être la règle générale du cycle impérial : se succèdent les dynasties et les périodes de troubles. Cette dynamique se conçoit en trois étapes, que le philosophe et historien arabe Ibn Khaldûn (1332-1406) corrèle à trois générations successives de dirigeants :
1) un groupe s’empare du pouvoir et se montre expansionniste, annexant plus de territoire que son/ses prédécesseur(s) ;
2) ce groupe pacifie les populations qu’il contrôle pour les imposer, et perd ainsi en puissance militaire ce qu’il gagne en richesse produite et taxée ;
3) ce groupe, devenu faible, subit rébellion, invasion… Il tergiverse (diplomatie, versement de tribut…), recourt à des mercenaires pour garantir l’efficacité de son armée (ce qui lui coûte cher et le dissuade de trop y recourir). La tension entre paix (indispensable à la prospérité) et guerre (invasions consécutives à la prospérité, et/ou rébellion résultant de famines liées à des catastrophes naturelles ou des guerres) entraîne finalement la disparition de ce pouvoir et l’instauration de son successeur.
Jusqu’en - 1250, peu d’États ont pu être qualifiés d’empires. Sauf l’Égypte, unifiée ≈ - 3000, qui montre une continuité institutionnelle liée à son relatif isolement, brisé tardivement par l’invasion Hyksôs (≈ - 1650/≈ - 1550). En Asie occidentale, l’empire a été l’exception, avec le bref Empire akkadien (≈ - 2300/≈ - 2100) ; le micro-État axé autour d’une cité dominant ses voisines est la règle. Les mondes andin (à partir de - 3000) et mésoaméricain (à partir de - 1300) semblent également connaître des cités-États. En Chine, il est encore difficile de déterminer si les dynasties plus ou moins mythiques (Xia, Shang, Zhou…) qui s’y sont succédé jusqu’en - 221, date de la première unification impériale certaine, étaient en mesure d’exercer davantage qu’une autorité symbolique.
La première superpuissance de l’histoire semble être l’Empire assyrien, qui amorce le cycle impérial conquête-apogée-effondrement. Il atteint son apogée de - 745 à - 626, contrôlant les territoires s’étendant du golfe Persique à Israël, soumettant jusqu’à l’Égypte entre - 671 et - 653, terrassant par ses expéditions militaires tous ses voisins. L’Empire assyrien s’effondre en - 610 face à une coalition des Mèdes et des Babyloniens. L’Empire néobabylonien lui succède dans les mêmes frontières (hors vallée du Nil), avant d’être conquis par les armées achéménides de Cyrus II, fondateur du premier Empire perse (- 525/- 334), qui soumet l’Égypte.
Les révolutions militaires
Pourquoi des empires forts émergent-ils à partir de - 750, alors que ≈ - 1250, les vieux États de l’Ancien Monde ont volé en éclats ? Dans un premier temps, une démocratisation de la guerre s’opère à l’âge du fer. Le fer est un métal moins cher que le bronze, permettant de forger des armes (épées) et des armures de meilleure qualité. Les premières séries d’armes en fer sont forgées à Chypre ou en Anatolie ≈ - 1250, et en deux siècles deviennent communes dans toute l’Eufrasie. Les fantassins l’emportent alors sur les élites et leurs chars. Sur fond de crise climatique, les grands royaumes (Mitanni, Hittites…) explosent en une multitude de pouvoirs locaux. En deux siècles, les guerres incessantes permettent aux vainqueurs d’entamer de nouvelles consolidations bureaucratiques. Les armes étant meilleur marché, les nouveaux empires, néoassyrien puis perse, bâtissent des armées bien plus efficaces que celles de leurs prédécesseurs. C’est une révolution : avec le fer, les paysans sont mieux outillés. Ils produisent davantage, de même que les mineurs et les artisans, et les marchands voient leurs opportunités augmenter. Désormais, les États auront comme priorité de construire des routes pour faciliter et taxer le commerce.