De 1979 à 2015 Hégémonie américaine, croissance asiatique Globalisations

La mondialisation néolibérale entraîne une explosion des échanges, 
qui dope la production mondiale de richesses. Certaines régions du Monde,
 la Chine en tête, connaissent une croissance inédite.

1979 est une année marquée par plusieurs événements symboliques, porteurs de ruptures nettes. Le dirigeant réformateur chinois Deng Xiaoping accomplit en janvier un voyage aux États-Unis, après avoir remporté la lutte pour la succession de Mao Zedong contre les conservateurs. Il restera au pouvoir jusqu’en 1992, imposant un programme qui engage progressivement la Chine dans l’économie de marché, notamment par l’établissement de ZES* 1. L’Inde prend la même voie dès 1981 en allégeant ses barrières douanières et en favorisant les investissements étrangers. La désignation de Margaret Thatcher comme Premier ministre du Royaume-Uni en mai 1979, poste qu’elle conserve jusqu’en 1990, constitue par ailleurs la première pièce de la mise en place du néolibéralisme économique, qui va se renforcer avec l’élection de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis, qu’il exerce de 1981 à 1989. Par leurs programmes de réformes économiques et leur influence sur les grandes organisations internationales, M. Thatcher et R. Reagan donnent une audience planétaire à l’idéologie néolibérale, qui se résume en un slogan : moins d’État, c’est plus de liberté d’entreprendre. Les barrières douanières sont abaissées, la règle des « trois D » devient hégémonique sur la planète : déréglementation financière, décloisonnement mondial des firmes, démantèlement de l’État. Tout État désireux d’emprunter aux instances internationales ou d’adhérer à des accords commerciaux est désormais amené à appliquer cette règle, supposée régir une économie de marché saine et bénéfique à tous. C’est la défaite de John M. Keynes et la victoire de Milton Friedman et de Friedrich Hayek, les deux grands économistes libéraux de l’école de Chicago.

Autre événement phare de cette année 1979 : la Révolution iranienne, à la fois religieuse, nationale et républicaine, éclate en février. Le deuxième choc pétrolier* 5 commence en avril. Les diplomates états-uniens sont pris en otage dans leur ambassade à Téhéran en novembre, alors qu’un commando d’islamistes sunnites prend La Mecque d’assaut pour dénoncer le luxe dans lequel vivent les élites saoudiennes. Dans un Monde musulman figé pour l’essentiel sous la botte de dictatures, les luttes asymétriques vont devenir la seule issue de générations désespérées d’intellectuels islamistes – le plus souvent contraints à l’exil, comme leurs rivaux laïcs. En décembre, les troupes soviétiques envahissent l’Afghanistan sous prétexte de soutenir un régime communiste sur le point de s’effondrer. Ce sera l’un des derniers théâtres de la guerre froide. Les États-Unis, alliés à l’Arabie Saoudite et au Pakistan, entendent faire de l’Afghanistan le Viêtnam de l’URSS. Ils soutiennent les moujahidine, combattants ralliés au nom de l’islam pour affronter les Soviétiques. Les États-Unis fournissent l’encadrement militaire et les armes, les Saoudiens financent et légitiment religieusement le jihâd, les Pakistanais enfin orientent l’aide vers leurs alliés en Afghanistan. En 1989, épuisés, les Soviétiques se retirent. Les factions de la Résistance afghane se déchirent, jusqu’à la prise en main du territoire par les Talibans en 1996, soutenus en sous-main par les services secrets pakistanais. La guerre est désormais financée par l’opium, dont l’Afghanistan assure en 2000 les trois quarts de la production mondiale.

Trois visions du Monde

1989 est une autre année pivot. Si l’URSS bat alors en retraite en Afghanistan, c’est que son dirigeant Michael Gorbatchev ne parvient pas à réformer le système soviétique, qui s’effondre sur lui-même. Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin marque le triomphe du projet économico-politique du libéralisme, sanctionné le 25 décembre 1991 par la dissolution de l’URSS. Le Monde bipolaire de la guerre froide est décédé. Un nouveau Monde, lentement, émerge. Et la Russie est d’abord perdante. Sous la présidence de Boris Elstine (1992-1999), son économie et son niveau de vie s’effondrent. À partir de 2000, le pouvoir autocratique de Vladimir Poutine accompagne l’apparition d’une croissance forte. Car le cours des matières premières, dont la Russie est une grande productrice, s’envole avec le décollage économique chinois et nourrit une forte dynamique interne. La Russie renoue alors avec des ambitions expansionnistes, qui se matérialisent par des menaces militaires en Géorgie (2008) et Ukraine (2014).