De l'hérédité à l'héritage

Patrimoine biologique, matériel, culturel… Dans toutes les sociétés, la notion de transmission se décline au pluriel et comporte une forte charge symbolique.

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Historiquement, l’idée d’« héritage » est fortement liée à celle d’« hérédité » dont elle dérive.

Dès la naissance, et parfois même avant celle-ci, on reçoit d’emblée un patrimoine génétique, un nom, une nationalité ou encore des droits. Même des traits familiaux et culturels plus indirects semblent déjà en cours d’acquisition. Durant la grossesse par exemple, le fœtus se familiarise avec la voix de sa mère et les sons spécifiques à sa langue, ce qui peut constituer une première entrée dans sa culture. Déterminer si les gènes hérités de nos parents peuvent être à l’origine de comportements, de traits de personnalité ou encore de capacités cognitives reste par ailleurs un débat ouvert.

Dans l’Antiquité, le mot « hérédité » n’a pas les connotations biologiques d’aujourd’hui. Il fait partie du langage courant pour désigner la transmission d’argent, d’objets, de droits et de devoirs, voire d’idées et de connaissances, d’une personne à une autre. Le terme ne commence à acquérir un sens médical qu’à partir du Moyen-Âge. Des médecins empruntent ce mot au vocabulaire de la succession pour décrire les pathologies qui semblent se transmettre des parents aux enfants. « À cette époque, précise la philosophe Gaëlle Pontarotti (1), l’hérédité (hereditas) renvoie à la transmission des charges, des pouvoirs, des fonctions et des métiers, et c’est dans un sens strictement métaphorique que certaines maladies sont dites héréditaires. »

« Empêcher la famille de mourir »

En 1738, l’encyclopédie britannique Chamber’s Cyclopedia explique que le mot « héréditaire » a un sens légal – faisant référence aux droits de succession… – et peut être étendu « de façon figurée » aux qualités transmises du père au fils. En France également, jusqu’à la fin du 18e siècle, « l’hérédité désigne avant tout la transmission “des charges et honneurs”, et plus généralement de “privilèges” », insiste G. Pontarotti. Il faut attendre le 19e siècle pour que des médecins prennent la métaphore au sérieux et constitue une science des maladies héréditaires. Au début du 20e siècle, enfin, l’émergence de la génétique donne sa première assise à une théorie scientifique plus générale de l’hérédité, et il n’y a dès lors plus d’amalgame avec la notion d’héritage, entendue comme un ensemble de biens matériels ou symboliques, transmis au fil des générations entre des individus ou des groupes – famille, classe sociale, communauté culturelle…