De la faute humaine à celle des hormones

Sodomie, masochisme, homosexualité furent longtemps considérés comme des fautes. Confiées aux mains des médecins, elles sont devenues au XIXe siècle des maladies. C’est ainsi que la sexualité est venue occuper une grande place chez les spécialistes de la santé mentale.

Les perversions sexuelles ne datent pas d’hier. Sur la Rome des César, tournée vers le plaisir et la jouissance sans contrainte, les récits abondent. L’empereur Néron, réputé cruel, assouvissait ses fantasmes sur des hommes et des femmes attachés à des poteaux, ou bien encore se donnait à son esclave affranchi Doryphore dont il se considérait l’épouse. Clou de ses fantaisies, il fit châtrer un adolescent pour le transformer en femme et s’unit à lui selon les sacrements du mariage. Ces pratiques sexuelles bizarres existent peut-être depuis les débuts de l’humanité. Comme le rappelle Claude Aron, spécialiste de physiologie de la reproduction, elles ont entretenu au fil des siècles des rapports complexes avec l’Église, avant d’attirer l’attention du pouvoir médical (1). La morale religieuse a régi avec autant de poids que le droit les pratique sexuelles jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Toute manière de jouir autre que l’accouplement hétérosexuel dans les voies prévues à cet effet était un péché, volontiers assimilé à l’onanisme. Les tribunaux ecclésiastiques avaient même concrètement la charge de juger les pratiques sodomites. La condamnation pour ce crime pouvait aller jusqu’au bûcher. Mais la médecine, bientôt, s’intéressa également aux déviances sexuelles. En 1765, la parution de L’Onanisme, dissertation sur les maladies produites par la masturbation, par Samuel-Auguste Tissot marqua un tournant dans la médicalisation du domaine sexuel. Selon ce bon docteur, la masturbation (chez le garçon) pouvait être la cause d’un nombre impressionnant de maladies, dont l’épilepsie, la mélancolie et le vieillissement prématuré.

 

Les débuts de la pathologie sexuelle

Elle devait donc être condamnée sans appel. Mais plutôt que de punir le coupable, il s’agissait désormais de le guérir de son habitude. Un médecin bricoleur conçut bientôt un modèle de lit à cloison qui isolait les bras de la partie inférieure du corps, empêchant tout contact avec les parties génitales. La médecine s’est donc attachée d’abord à développer une surveillance sanitaire des déviants sexuels, et ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’une réflexion moins répressive et moraliste put commencer à voir le jour.