Les mastodontes intégrés de l’ère fordiste ne sont plus. Ces firmes effectuaient en leur sein une partie conséquente des stades de fabrication de leur produit (intégration verticale), confiant les étapes restantes à des sous-traitants plutôt interchangeables. Elles ont été emportées par le grand mouvement de désintégration des entreprises amorcées dans les années 1970, se repliant, comme le leur susurrait la théorie des compétences, sur leur « cœur de métier » et externalisant leurs activités « non spécifiques ».
Dans cette nouvelle donne, les relations de sous-traitance prennent un tour stratégique, puisqu’elles concernent des composants cruciaux du produit final : non plus seulement des pièces, comme auparavant, mais des fonctions entières, telles que l’informatique de bord ou les systèmes de freinage dans l’automobile, voire l’assemblage intégral des ordinateurs, comme cela arrive parfois dans l’industrie informatique. Comme l’avait bien vu George Richardson, cette évolution impose une coopération étroite entre les partenaires, qui va jusqu’à une conception en commun des composants. Dans les bureaux d’étude de l’A380, les personnels sous-traitants et ceux d’Airbus étaient ainsi à parité dans les unités de R&D de la compagnie aéronautique. Ces liens de collaboration tissent la trame de la firme-réseau, un mode d’organisation qui concerne nombre de grandes marques mondiales – Renault, Apple ou Nike.
La firme-réseau englobe une pluralité de sociétés juridiquement indépendantes, reliées verticalement à une firme-pivot (Renault ou Nike, donc). La cohérence d’un tel assemblage repose sur le partage de dispositifs communs, tels que l’échange électronique de données qui permet d’articuler les systèmes informatiques entre eux, ou des procédures serrées de contrôle de la qualité. On pouvait croire des modes de coordination aussi étroits réservés à la vie interne des entreprises : avec la firme-réseau, elles se diffusent dans le dense maillage de la coopération interfirmes.