De nouvelles voix philosophiques

Non sans difficultés, elles ont entrouvert les portes de la philosophie française, une discipline alors très masculine.

Clémence Royer, l’encyclopédiste à l’œuvre perdue (1830-1902)

Née à Nantes dans une famille catholique, Clémence Royer développe d’abord une vocation religieuse, mais son père l’incite à abandonner cette voie. Elle est séduite par la Révolution de 1848 qui la rallie aux idéaux républicains, tandis qu’elle poursuit des cours à la Sorbonne et au Collège de France.

Un an plus tard, son père décède. C. Royer est obligée de chercher une profession et devient un temps professeure de français et de musique. Elle part ensuite en Suisse où elle se passionne pendant deux ans pour l’étude des systèmes philosophiques et scientifiques. En 1858, elle donne un premier cours de philosophie de la nature dans l’ancien casino de Lausanne.

L’année suivante, elle offre un cours de philosophie réservé aux femmes alors que leur accès à la philosophie est souvent limité, voire interdit. C’est une première et la salle est pleine.

Fervente anticléricale, elle s’intéresse ensuite à la théorie évolutionniste, à laquelle elle adhère pleinement. Avec elle, elle entend mettre en lumière les incompréhensions des textes bibliques au regard des avancées scientifiques. Elle traduit L’Origine des espèces de Charles Darwin, publié en France en 1862 et qui la fait connaître.

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C. Royer jouit alors d’une certaine popularité. Elle conquiert des prix, gagne en reconnaissance, et les milieux féministes en ascension l’admirent pour être une femme philosophe au milieu des hommes. Elle affronte aussi des controverses sur sa traduction de L’Origine des espèces et pour avoir additionné à l’ouvrage une longue préface développant sa propre interprétation de la loi de l’évolution.

Son savoir se veut encyclopédique : sciences, politique, morale, littérature, actualité… Rien ne lui échappe et les publications se succèdent. Toutefois, elle ne parviendra pas à une stabilité professionnelle. Sans héritage, non mariée, ayant vécu en union libre, aucune aide ne lui est accordée à la mort de son compagnon. Elle s’occupe seule de son fils et jusque dans les années 1880, les divers concours auxquels elle s’inscrit constituent son principal support financier. Elle décède en 1902 dans de modestes conditions.