Dans les sociétés qui précèdent la révolution industrielle, la relation de confiance est vue au prisme du pouvoir : un pouvoir inscrit au cœur même des mots. Dans Le Vocabulaire des institutions indo-européennes (émile Benvéniste, 1993), la fides est à l’origine des mots « confiance », « crédit » et « créance ». La fides renvoie donc tout à la fois à la croyance, la foi et l’autorité ; et ces sens sont toujours premiers dans les dictionnaires de la fin du 17e siècle : celui de Furetière, par exemple, renvoie au mot « confiance » le lecteur de l’article « foy ». Et cet article décrit un réseau de concepts qui construit la confiance à travers Dieu, les enseignements de l’église et le roi.
La communauté au cœur de la confiance
Quand, à partir du 13e siècle, avec le développement du marché, une autre économie politique émerge à côté de l’économie aristocratique, d’autres modalités de construction de la confiance prennent forme. Dans une époque où tout est incertitude, les mesures comme les qualités et les monnaies, l’échange relève alors de la discussion d’égal à égal, c’est-à-dire du marchandage. Mais cet acte apparemment égalitaire, qui se déroule dans un face-à-face où chacun cherche à acquérir des informations sur l’autre, est à la merci de la malhonnêteté du vendeur. C’est pourquoi, pour moraliser le marché, l’échange est encadré par un ensemble de dispositions qui placent la communauté au cœur de la construction de la confiance : l’organisation des lieux de ventes, que ce soit le marché ou la ville, se fait sur le modèle de la spécialisation des espaces et des marchands car le regroupement spatial d’intérêts rivaux est en soi une structure de moralisation. De la même manière, la très grande fragmentation des spécialisations marchandes est là pour dire que chaque marchand, étant très spécialisé, est quelqu’un qui sait ce qu’il vend.