Plus que n’importe quelle autre partie du globe, l’Afrique semble associée aux conflits, à l’insécurité et aux atrocités. Au début des années 1990, Robert D. Kaplan évoquait « l’anarchie à venir » car le continent était, pour le journaliste, celui des haines ethniques et de la violence aveugle. Vingt ans plus tard, le gagnant du prix Pulitzer, Jeffrey Gettleman, peignait le même tableau, se désespérant que les guerres ne se terminent jamais et s’étendent comme « une pandémie virale », pour reprendre ses termes. Certes, le continent africain reste celui où se déroulent le plus de conflits et de crises risquant de dégénérer. Mais considérer l’ethnie comme la cause des conflits revient à nier la dimension politique du phénomène. L’ethnie seule n’est pas une cause conflictuelle. Cela ne veut pas dire que les appartenances identitaires ne sont pas cruciales dans la guerre. Elles peuvent même venir en alimenter l’origine.
Des luttes entre élites
Pour le politiste Paul D. Williams, les analystes doivent s’intéresser à l’« ethnie plus », c’est-à-dire chercher les causes additionnelles aux conflits. L’ethnie n’est qu’un vecteur. Des combats qui apparaissent à première vue comme des conflits entre ethnies sont bien souvent entièrement liés à des luttes entre les élites, pour la puissance politique ou matérielle. Ainsi, au Soudan du Sud, le conflit était au départ une opposition entre élites pour l’accès au pouvoir, avant de se cristalliser sur l’appartenance ethnique et une opposition entre deux peuples, les Dinkas et les Nuers. Cette hostilité est devenue effectivement un conflit semblant de nature ethnique, mais sa cause est bien plus complexe.