Quels sont les effets des dispositifs d'insertion socioprofessionnelle sur le devenir des personnes qui les fréquentent ? Voilà une question que se pose chacun des acteurs impliqués dans les politiques actives d'emploi, qu'il s'agisse des décideurs publics, des opérateurs de formation ou des bénéficiaires eux-mêmes. De très nombreuses études lui ont été consacrées. Sur le plan méthodologique, la démarche est fort complexe étant donné la diversité des variables qui entrent en jeu. Ainsi, les caractéristiques personnelles des stagiaires qui interviennent sont multiples : leurs motivations, leur âge, leur sexe, leur niveau de formation, leur expérience professionnelle... sont susceptibles de peser sur les effets de la formation. Les particularités des dispositifs d'insertion socioprofessionnelle exercent également une influence considérable : certains sont orientés vers une remise à niveau des connaissances de base ou visent une « resocialisation » des chômeurs de longue durée ; d'autres développent des qualifications professionnelles spécifiques ; d'autres enfin portent essentiellement sur la mise au travail. Les mesures d'encouragement à l'emploi prises par les pouvoirs publics (par exemple, les allègements de charges patronales pour l'emploi des personnes les moins qualifiées) jouent aussi un rôle majeur : elles créent des biais de sélectivité momentanée en faveur d'une population particulière, en fonction du critère privilégié par la mesure (par exemple, la durée du chômage, le niveau de qualification, l'âge...).
Pour tenter de maîtriser quelque peu ces différentes sources de variation, la pratique scientifique la plus courante consiste à comparer des individus fréquentant le dispositif que l'on souhaite évaluer à ceux qui n'y passent pas. Ces derniers sont sélectionnés de manière à présenter le plus de caractéristiques individuelles communes avec les premiers. Les conclusions de ces études, menées dans différents pays européens, sont peu encourageantes. Par exemple, Thomas Brodaty et ses collaborateurs 1 signalent que « les programmes de formation et de stages plus particulièrement destinés aux jeunes chômeurs peu qualifiés n'ont en général pas d'effet à court terme sur leurs salaires et leur employabilité, à moins que ces stages et formation aient un contenu suffisant en formation ». En fait, les formations n'éliminent pas l'influence des caractéristiques individuelles défavorables (comme un faible niveau d'instruction, une expérience professionnelle courte, le fait d'être une femme ou un immigré...) sur la probabilité d'insertion professionnelle. Elles ne réussissent donc généralement pas à infléchir les trajectoires suivies par les individus avant la formation 2. Dès lors, l'utilité des formations est-elle remise entièrement en question ? Les évaluations réalisées dans ce domaine ont ceci de particulier que, dans leur grande majorité, elles ont analysé les effets des formations au regard d'un critère unique, celui de la mise à l'emploi et de ses corollaires. Par exemple, ont été investigués le nombre d'emplois occupés pendant une période de référence à l'issue de la formation, la nature des contrats obtenus, leur durée, les salaires afférents... Ce type de démarche, pour légitime qu'il soit dans une société organisée autour du travail, présente toutefois une série de limites, voire de lacunes. Il n'épuise en aucune manière les enjeux auxquels les dispositifs d'insertion socioprofessionnelle sont confrontés, pas plus qu'il ne prend en compte la complexité de la situation que vivent les chômeurs en formation. Cet article se donne pour objet la mise en évidence des dimensions psychosociales qui sont partie prenante du processus de formation. Pour développer cet aspect, il importe d'abord de se souvenir des conséquences de la privation d'emploi.