Dix pistes pour renouveler la politique

Pour contrer l’abstention et la défiance politique, les initiatives se multiplient pour réenchanter la démocratie. Tour d’horizon.

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1 ◊ Occuper la place

Le 15 mai 2011, trois ans après le début de la crise des subprimes, des centaines de milliers d’Espagnols descendent dans les rues pour réclamer la fin de « la dictature des marchés financiers » et « une vraie démocratie ». Pendant la semaine qui suit, des dizaines de milliers de personnes se réunissent jour et nuit à la Puerta del Sol, place centrale de Madrid. Au même moment en France, les opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes affluent vers la « zone à défendre » (zad). Pour Nicolas Haeringer, rédacteur en chef de la revue Mouvements, ces deux rassemblements ont imposé l’occupation du territoire comme une forme de mobilisation à part entière. « L’occupation sert à expérimenter une préfiguration de démocratie avec des formes horizontales de gouvernance dans le cas des Indignés ou l’implantation d’habitats légers et de permaculture dans les zad. » En France, une dizaine de zad ont essaimé. De leur côté, les Indignés ont tissé un maillage territorial très dense à travers l’Espagne et le mouvement s’est étendu au Portugal et aux États-Unis, mais aussi plus récemment à Hong Kong, au Brésil ou en Turquie. En 2014, dans son manifeste, Podemos propose de « transformer l’indignation en changement politique ». En s’imposant à la troisième place des élections juste derrière les socialistes, le parti citoyen espagnol met fin au bipartisme. Mais pour N. Haeringer, cette nouvelle forme de mobilisation « doit conserver son autonomie par rapport à la sphère politique sinon elle retombe dans une logique de contre-hégémonie classique ». De Podemos à Nuit debout, l’enjeu est partout le même : dépasser la posture défensive pour se faire reconnaître comme une source légitime de propositions.

• « Occupy Wall Street : une question de “pouvoir-faire”. Entretien avec Isham Christie »
Nicolas Haeringer, Mouvements, n° 69, 2012/1.
• « Mover ficha : convertir la indignación en cambio político »
Podemos, 14 janvier 2014.

 

2 ◊ Consulter les citoyens

Inviter les citoyens à voter, commenter et enrichir les propositions de loi des députés et sénateurs est l’objectif affiché par le site Parlement et citoyens. Trois ans après son lancement, cette plate-forme de démocratie participative connaît un succès grandissant. À l’automne dernier, plus de 20 000 internautes ont ainsi participé à cet exercice de « coécriture » de la loi numérique d’Axelle Lemaire, en déposant des contributions et en votant sur les différents articles du projet de loi. Certains articles issus de la consultation citoyenne étaient repris tels quels dans le projet présenté à l’Assemblée nationale. Même engouement pour la consultation sur la biodiversité qui recueillait fin janvier plus de 50 000 votes avec, in fine, le soutien officiel de la ministre de l’Écologie Ségolène Royal. « Le gouvernement a décidé de s’associer aux citoyens pour écrire l’avenir de la biodiversité. C’est une étape essentielle pour donner plus de poids à la parole citoyenne dans la construction législative », se félicitent les créateurs du site. L’autre mérite de la plate-forme est de parvenir à mobiliser les citoyens autour de sujets complexes comme l’interdiction de l’usage non agricole des pesticides.

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Au niveau local, des outils de consultation citoyenne sont également en train de voir le jour. L’application Fluicity relaie auprès des 25 000 habitants de Vernon dans l’Eure des sondages lancés par la mairie sur des questions de voirie ou de pollution. La start-up Equivote a lancé de son côté MyOpenCity, un service de référendum en ligne à destination des collectivités locales. L’agglomération de Marmande (60 000 habitants) dans le Lot-et-Garonne expérimente le dispositif depuis septembre. « La première consultation portait sur la piétonnisation du centre-ville. Les habitants ont pu voter pour les rues qu’ils souhaitent sans voiture. Plus 2 800 personnes se sont connectées au site et la collectivité a également reçu des lettres avec des propositions », se réjouit Jérémy Simonklein, le cofondateur de MyOpenCity. Côté critiques, certains redoutent que ces « plates-formes citoyennes » soient prises d’assaut par des lobbies. L’ancien président du Comité national consultatif d’éthique, Didier Sicard témoigne ainsi de son expérience à la tête de la mission de réflexion sur la fin de vie, en 2012 : « à l’époque, j’avais reçu des centaines de lettres stéréotypées, issues de militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui semblaient dans une stratégie de saturation. » (La Croix, 3 février 2015). Il n’en reste pas moins que ces plates-formes permettent d’enclencher une dynamique de démocratie participative, qui restait jusque-là à l’état de vœux pieux.