La reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité des femmes en 1944 a marqué le point de départ d'un effort continu du législateur, en vue d'assurer une égalité aussi complète que possible des droits civiques, politiques, sociaux et familiaux entre les sexes : la mixité dans l'enseignement secondaire est acquise en 1959, la suppression de la tutelle maritale en 1965, le remplacement de la notion de père de famille par celle d'autorité parentale en 1970, l'instauration du divorce par consentement mutuel, la dépénalisation de l'avortement et la répression des discriminations sexuelles à l'embauche en 1975. Cet effort s'est poursuivi au cours des années 80 et 90 avec le renforcement de la répression du viol (1980), la reconnaissance de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes (1983), puis de l'égalité des époux dans la gestion du patrimoine de la famille (1984), la création du délit de harcèlement sexuel dans les relations de travail (1992), la définition d'une autorité parentale conjointe à l'égard de tous les enfants quelle que soit la situation juridique des parents (1993).
En l'espace d'une vingtaine d'années, l'opinion a reconnu une égalité de principe
Ce mouvement législatif décisif correspond à une évolution parallèle des opinions, du moins si l'on s'en tient aux questions de principe. En effet, aujourd'hui, il se trouve toujours au moins trois quarts des Français pour estimer que « les femmes doivent travailler pour être vraiment indépendantes », que « le mari et la femme doivent contribuer l'un et l'autre aux ressources du ménage », ou encore que « le partage des tâches ménagères est un élément important dans le succès du mariage »1. Une telle proportion était inimaginable dans les années 70.
Par ailleurs, exercer une activité professionnelles tout en ayant des enfants n'apparaît plus incompatible a priori pour une grande majorité des femmes : selon un sondage de la Sofres, près des deux tiers des femmes interrogées déclarent que, si elles avaient trois enfants, elles continueraient « certainement » ou « probablement » à travailler, près de la moitié d'entre elles considérant que cette situation serait « assez difficile mais possible »2. De leur côté, les parents se montrent plus souvent aussi ambitieux pour leurs filles que pour leurs garçons.
En l'espace d'une vingtaine d'années, l'opinion s'est donc retournée dans le sens de la reconnaissance d'une égalité de principe. Toutefois, ces nouvelles dispositions légales et mentales ne se traduisent pas aussi directement et massivement dans les comportements 3.
Certes, le taux d'activité des femmes (soit la proportion des femmes en âge de travailler et qui se trouvent effectivement sur le marché du travail) n'a cessé d'augmenter depuis les années 60, lentement mais sûrement, passant de moins de 30 % à près de 40 % (de près 60 % à environ 50 % pour les hommes). Aujourd'hui, les femmes représentent désormais plus de 45 % de la population active, contre à peine plus d'un tiers au début des années 60, et il n'est pas rare de les voir exercer des emplois réputés masculins : pompiers, chauffeurs de bus ou de camion, etc. Mais les femmes actives sont également plus touchées par le chômage (avec un taux de chômage supérieur de 3 % à celui des hommes) ; elles sont aussi plus nombreuses à occuper un emploi à temps partiel (près de 30 % contre 5 %).
En matière d'éducation, l'inégalité apparaît pourtant dès le secondaire, et se marque définitivement à l'entrée dans l'université
Quoiqu'en diminution sur le long terme, les écarts de salaire étaient encore de 19 % en 1993 et atteignent même 41 % pour les titulaires d'un bac de technicien ou professionnel 4. Chez les ingénieurs, l'écart atteint les 40 %, mais dans ce cas, l'écart s'explique par le fait que les femmes ne sont entrées que depuis peu dans ces métiers ; elles sont donc encore peu nombreuses à avoir atteint le niveau de rémunération maximal.