Égoutiers, agents de la morgue : des professions dégoûtantes ?

Entretenir les égouts, déplacer et rendre présentable le corps des défunts : voilà des métiers qui répugneraient à beaucoup, tout en étant indispensables à la collectivité. Mais l’ethnologue Agnès Jeanjean, qui a enquêté auprès d’égoutiers et d’agents de morgue, montre que ce dégoût qu’inspirent ces activités a en quelque sorte contaminé les individus qui les accomplissent. Transgressant les frontières entre vie et mort, entre nature et culture, ces agents travaillent dans des espaces marginalisés : « reposoir » situé aux limites des hôpitaux (« Le dernier wagon. Alcatraz », dit l’un d’eux), canalisations souterraines, stations d’épuration en lisière des villes… Quand ils viennent chercher un corps, les agents disent se sentir invisibles : « Personne ne nous regarde. Des fois je dis bonjour et on ne me répond même pas. » Une mise à l’écart qui se perpétue même à la cantine ou à la pause cigarette, où « rares sont ceux qui engagent une discussion ou viennent les saluer ».