En avoir ou pas

Force, autorité, domination : tels ont été les critères de la virilité, même s’ils ont varié au cours du temps. D’où le blues du mâle contemporain, à la recherche d’une identité masculine plus conciliable avec l’égalité des sexes.

The End of Man, le livre d’Hanna Rosin n’a pas manqué de susciter des commentaires dans la rédaction même de Sciences Humaines. « Pour le meilleur, a remarqué l’un des hommes de l’équipe, nous allons devenir des animaux de compagnie, des gros chats qui ronronnent sur le canapé ; pour le pire, nous aurons le destin du poisson des abysses… – Le poisson des abysses ? – Mais oui, celui qui dégénère au point de devenir une simple poche de sperme collée sur le dos de la femelle 1. »

Cette boutade ne fait que traduire très schématiquement une angoisse qui taraude la gente masculine : la hantise de la perte de pouvoir, de statut et de leur existence même. Les hommes auraient-ils « rendu les armes » comme le déplorent certains psychanalystes et autres chroniqueurs très médiatiques ? Les sociétés égalitaristes auraient-elles « dévirilisé » les hommes ?

 

Un ethos viril intemporel

La virilité (qui vient des mots latins « vir » et « virtus ») désigne aussi bien la puissance érectile que les qualités de force, de courage et de vertu. C’est pourquoi, chez les hommes, « les représentations de la virilité sont travaillées par l’angoisse de l’impuissance », explique Jean-Jacques Courtine qui a dirigé avec les historiens Alain Corbin et Georges Vigarello une monumentale Histoire de la virilité en 2011.

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Trois passionnants volumes qui s’attachent à montrer que, si la virilité est bien une construction culturelle dont les codes et les modèles ont varié au fil du temps, une matrice commune a sous-tendu les représentations durant des millénaires, « celle d’un ethos viril, hégémonique, fondé sur un idéal de force physique, de fermeté morale, de puissance sexuelle et de domination masculine ».