Enquête sur le terrorisme religieux

Mark Juergensmeyer, Autrement, 2003, 237 p., 19 €.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » Cette sentence médiévale retrouve une actualité brûlante. Un sociologue entreprend de décortiquer les racines du terrorisme religieux contemporain.

« Le jeune homme qui s'était fait exploser dans une rue animée de Tel-Aviv en 1995 avait 19 ans et était étudiant. Timide et aimable, il avait été recruté trois jours plus tôt par un partisan du Hamas, qu'on avait chargé de trouver un volontaire approprié. Selon les dires du recruteur lui-même [...], il ne s'était pas donné beaucoup de mal pour trouver un candidat : c'était son cousin... » Ce témoignage est un des exemples du voyage dans les entrailles du terrorisme religieux auquel nous invite le sociologue Mark Juergensmeyer dans ce livre publié en 2000 et récemment traduit de l'anglais.

Dans le chapitre introductif, l'auteur prend soin de contextualiser sa démarche : pour avoir vécu quelques années au Pendjab (Inde), il a assisté à l'escalade de la violence opposant les indépendantistes sikhs au gouvernement. Il a voulu comprendre comment la religion pouvait engendrer la violence, tout en gardant à l'esprit qu'à tout moment une conviction spirituelle forte peut pousser un croyant à tuer ou à se faire tuer pour des raisons morales. Son enquête s'est focalisée à la fois sur les mécanismes qui amènent des gens souvent foncièrement moraux à massacrer au mépris de ce que l'on pourrait croire être leurs idéaux, et sur les communautés qui soutiennent ce type d'action, sans la participation desquelles la quasi-totalité des attentats resteraient lettre morte.

M. Juergensmeyer commence par le détail : dans sa première partie (cinq chapitres) de récits et témoignages, il rapporte ce que l'on sait des exécutants des attentats et le contenu des entretiens qu'il a pu effectuer auprès de certains d'entre eux. Quoi de commun, pourrait-on se demander, entre ces gens : le révérend américain Mike Bray, « un homme d'une quarantaine d'années, gai, charmant et séduisant », croisé anti-IVG, incendiaire et auteur d'un livre appelant au meurtre des médecins pratiquant l'avortement ; le docteur israélien Baruch Goldstein, qui assassina plus de trente Palestiniens dans une mosquée de Hébron en 1994 ; l'islamiste égyptien Mahmoud Abouhalima, acteur de l'attentat contre le World Trade Center à New York (six morts) en 1993 ; l'activiste sikh Dilawar Singh, jeune homme d'à peine 20 ans qui se fit exploser dans la foule en 1995, déchiquetant seize personnes dont sa cible, le Premier ministre pendjabi Beant Singh, dont il était pourtant garde du corps ; ces bouddhistes japonais, diplômés de l'enseignement supérieur, tellement fascinés par le charisme de leur leader Shoko Asahara qu'ils en vinrent à épandre du gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 (douze morts, cinq mille blessés), croyant ainsi provoquer l'avènement de l'Armageddon, prélude à la purification du monde ?