Entre passade et passion : les amateurs

Près de la moitié des Français pratiquent librement une activité artistique au moins une fois au cours de leur vie. Mais, entre la guitare oubliée dans le grenier et le carnet de dessin sans lequel on ne sort pas, la marge est grande.

Même pris dans son acception la plus courante, celle qui désigne les personnes pratiquant une activité artistique en dehors de toute contrainte scolaire ou professionnelle, le terme « amateur » reste difficile à circonscrire. Doit-on le réserver aux pratiquants dont l'investissement (en temps, en formation...) est le plus important, et dont la démarche est la plus ambitieuse au plan artistique ? Dans des domaines comme la musique, la danse ou le théâtre, où la pratique amateur est reconnue et parfois organisée, à quel moment s'arrêter sur le chemin qui va de ce « noyau dur » des amateurs les plus investis vers les pratiquants les plus dilettantes ou les plus étrangers aux critères d'excellence en vigueur dans le milieu des professionnels ? Quel sort accorder à des activités comme l'artisanat d'art, dont le statut artistique ne fait pas l'objet d'un consensus ? Que dire de la photographie et de la vidéo, dont la majorité des pratiquants n'a d'autre ambition que de fixer sur une pellicule ou une cassette des souvenirs d'ordre familial ou privé, sans ambition esthétique particulière ?

Même en s'en tenant aux domaines dont le caractère artistique n'est pas contesté (musique, arts plastiques, théâtre, danse, écriture), on ne peut que constater l'importance de la diffusion de la pratique amateur dans notre société : près de la moitié des Français de quinze ans et plus (47 %) a été, à un moment ou à un autre de son existence, concernée par l'une des activités artistiques figurant dans le tableau ci-joint, et 22 % d'entre eux ont pratiqué l'une d'elles au cours des douze derniers mois.

Les femmes sont dans l'ensemble plus nombreuses que les hommes à s'investir dans la pratique amateur. Leur domination numérique est spectaculaire dans le cas de la danse et de l'écriture, où elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes. Elle est moins nette mais néanmoins significative dans le cas de la musique, du théâtre et des arts plastiques. Seule la pratique de certains instruments de musique, comme la guitare ou les percussions, est plutôt masculine. Par ailleurs, les activités artistiques amateur n'échappent pas à la règle souvent vérifiée par les enquêtes : leur diffusion est étroitement corrélée au niveau de diplôme, beaucoup plus qu'au niveau de revenu. Les cadres et professions intellectuelles supérieures devancent dans tous les domaines les autres catégories socioprofessionnelles. Les disparités sociales et géographiques toutefois sont moins marquées que dans le cas de la fréquentation des spectacles culturels : ainsi par exemple, le profil sociodémographique des amateurs de musique, de peinture et de théâtre apparaît moins déséquilibré que celui du public des concerts, des galeries d'art et des salles de théâtre, notamment à l'égard du rapport Paris/province et de la proportion de diplômés de l'enseignement supérieur.

La diversification de l'offre de services culturels

Cette relative diffusion des activités artistiques amateur tient en partie au fait qu'elles concernent en priorité les enfants et les adolescents. Jouer d'un instrument de musique, faire de la danse ou écrire des poèmes sont, au même titre que bon nombre de pratiques sportives, des activités qu'on découvre au moment de l'enfance ou de l'adolescence et qu'on abandonne souvent avant de parvenir à l'âge adulte. Au-delà d'un certain âge, la découverte d'une activité artistique est rare, exceptionnelle même dans le cas de la pratique instrumentale ou de la danse. Pourtant, ces trois dernières années, le théâtre, la peinture et le chant choral ont recruté beaucoup de nouveaux adeptes parmi les adultes. Le caractère juvénile des activités artistiques amateur est encore renforcé aujourd'hui par le fait que les jeunes générations profitent d'une offre accrue de services culturels : les jeunes d'aujourd'hui sont deux fois plus nombreux que leurs parents et quatre fois plus que leurs grands-parents à faire de la danse ou à tenir un journal intime. De plus, les jeunes amateurs d'aujourd'hui font preuve d'une mobilité croissante : ils passent plus facilement que leurs aînés d'une activité artistique à l'autre, et sont plus nombreux à en mener plusieurs de front.