Qu’il s’agisse d’un bureau, d’une usine ou encore d’une boutique, un collectif de travail occupe traditionnellement un même espace. Des études indiquent d’ailleurs qu’une contiguïté physique est nécessaire à la collaboration, à la création et au partage des connaissances, ou encore à l’innovation 1. Se côtoyer en un même lieu facilite, par exemple, le fait de se proposer des coups de main entre collègues, de se faire confiance, ou encore de capter des informations précieuses au hasard des discussions – dans l’open space, devant la machine à café… Ces échanges quotidiens produisent du lien social, mais aussi des normes : implicitement ou parfois explicitement, on se met d’accord sur ce qu’on considère comme du travail bien fait, sur ce qu’on attend des uns et des autres, sur la meilleure façon de collaborer au quotidien, et en définitive sur ce qui constitue des valeurs et une culture communes au sein d’une entreprise.
Une invisibilisation…
Cette organisation est remise en question depuis les années 1990-2000. L’adoption de bureaux partagés par plusieurs employés, en fonction de leurs jours de présence dans l’entreprise (« flex office »), le télétravail ou encore l’externalisation tendent à éloigner physiquement les salariés et collaborateurs les uns des autres, au risque d’un affaiblissement des liens sociaux. Parallèlement, le succès du « management par objectifs », consistant à donner des buts aux employés tout en les laissant libres des moyens de les atteindre, porte atteinte à la production de normes et de valeurs communes. En effet, dès lors qu’une hiérarchie a les yeux fixés sur le résultat, elle tend à invisibiliser tout le travail fait en amont : les initiatives, l’énergie exceptionnelle déployée face aux difficultés, l’invention de nouvelles méthodes… Bref, tout ce qui contribue à fonder un esprit d’équipe. Des études 2 montrent ainsi, depuis une dizaine d’années, que la disparition des espaces personnels dans une entreprise peut être synonyme d’altération des liens sociaux et de la cohésion au sein du collectif.