Monoparentalité, familles recomposées, mariage homosexuel, développement de la procréation médicalement assistée, droit à la gestation pour autrui dans certains pays… Depuis les années 1990, le modèle de la famille dite « nucléaire » (le couple hétérosexuel marié et ses enfants vivant sous le même toit) a été singulièrement contesté en Occident, bien qu’il reste encore le plus répandu. Ailleurs, d’autres évolutions notables se manifestent (développement du célibat en Asie, explosion du divorce dans certaines villes d’Inde, développement de la monoparentalité en Afrique…). Comment expliquer ces évolutions ?
Deux explications à la baisse de la fécondité
Deux transformations majeures frappent la plupart des familles dans le monde depuis la fin du 20e siècle : la fécondité diminue et les mariages interviennent plus tardivement.
Ainsi, aujourd’hui, la moitié de la population mondiale vit dans un pays où la fécondité est relativement faible : 1,75 enfant par femme en moyenne en Europe et en Asie centrale ; 1,79 en Asie de l’Est et du Pacifique ; 1,82 en Amérique du Nord. Depuis les années 1990, la fécondité a baissé sensiblement en Amérique latine et aux Caraïbes : de 2,88 enfants par femme dans les années 1990 à 2,09 en 2015. En Asie du Sud, elle est passée de 3,85 à 2,52 enfants par femme en moyenne. Les diminutions les plus fortes se concentrent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : de 4,92 enfants par femme en moyenne à 2,82. Seule l’Afrique subsaharienne présente encore une fécondité supérieure à 4 enfants par femme, bien que le taux ait décru depuis trente ans (de 6,36 à 4,91).
La maîtrise des naissances s’explique par plusieurs causes combinées. L’une d’elles est l’intervention des États. La plus autoritaire en la matière fut la politique de l’enfant unique imposée en Chine de 1979 à 2015. Ailleurs dans le monde, les États sont intervenus pour faire baisser la natalité (par exemple, en Afrique, en Asie, en Amérique latine) ou, au contraire, la soutenir lorsqu’elle ne permettait pas de renouveler la population, notamment en Europe. Ainsi, en Afrique, 67 % des États déclaraient ne pas intervenir sur les naissances en 1976, en 2013. Ils ne sont plus que 7 % aujourd’hui. Idem, en Océanie, seulement 6 % des États n’interviennent pas et en Asie, 4 %. L’idéal d’une croissance démographique maîtrisée (ni trop forte ni trop faible) s’est imposé partout sur la planète. En 2015, la moyenne mondiale du taux de fécondité s’établit à 2,45 enfants par femme.
L’éducation des jeunes générations
Seconde explication de la baisse de la fécondité : l’éducation des jeunes générations. Dans un récent rapport, l’Unesco note que si les pays développés ont atteint depuis longtemps des taux de scolarisation élevés, les pays en développement ont également fait des efforts sensibles dans ce sens : « Les progrès ont été particulièrement forts au cours de la dernière décennie, où un nombre croissant de pays est parvenu à l’enseignement primaire universel. La scolarisation des filles a augmenté plus rapidement que celle des garçons, ce qui a contribué à combler l’écart entre les sexes au niveau du primaire. » Les trois quarts des pays étudiés (194 en tout) disposent d’un système de scolarisation primaire permettant de scolariser presque tous les enfants (au moins 98 %, seuil permettant de considérer la scolarisation comme universelle). Seuls 4 % présentent une scolarisation primaire inférieure à 80 %. Il s’agit de pays situés en Afrique subsaharienne (Niger, Soudan, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Somalie). L’éducation primaire des enfants permet d’accéder à la lecture et à l’écriture. Devenus adultes, ils peuvent ainsi postuler pour des emplois d’ouvriers ou d’employés. Dès lors, fonder une famille et assurer sa subsistance n’est plus l’unique perspective qui s’offre à eux, en particuliers chez les femmes. Ils peuvent espérer améliorer leurs conditions de vie en bénéficiant d’une promotion sociale par exemple. Les mariages interviennent alors plus tardivement, une fois les études achevées et après avoir trouvé un premier emploi. Fonder une famille devient un objectif secondaire par rapport au travail, de même qu’avoir des enfants. Exercer un métier, c’est aussi acquérir une autonomie financière, ce qui permet de s’émanciper de la tutelle familiale, du moins matériellement, et d’échapper aux mariages arrangés par les familles.