Entretien avec Marc Valleur

Faut-il avoir peur des jeux vidéo ?

Violence, coupure avec le réel, addiction... Les jeux vidéo suscitent bien des peurs. Pourtant, pour Marc Valleur, ils constituent un phénomène culturel nouveau riche de potentialités.

Sciences Humaines : Bombarder, réduire en bouillie, écraser l'adversaire... On tue beaucoup dans les jeux vidéo. Faut-il estimer, comme c'est la crainte de beaucoup de parents, qu'il y a danger à s'adonner à une telle violence sur les écrans ?

Marc Valleur : Je pense que non. Les jeunes y jouent comme ils pratiqueraient un sport, et restent accrochés à leur écran car ils veulent devenir meilleurs et se perfectionner sans cesse. Mais d'après ce que nous voyons dans nos consultations, les jeunes qui s'accrochent sont plutôt des introvertis, des personnages timides qui sont tout le contraire de jeunes violents et agressifs... Le jeu est plutôt pour eux un moyen d'expérimenter une agressivité normale, mais qu'ils n'arrivent pas à mettre en acte dans la réalité. Contrairement à ce que l'on croit souvent, beaucoup de jeunes qui pratiquent ces jeux de manière intense ne sont pas assez agressifs dans la vie.

Je pense même que c'est une bonne chose que les jeux soient violents : le jeu est un exutoire, une catharsis, une manière de faire ce que l'on s'interdit dans la réalité. C'est une fonction du jeu, mais aussi de la littérature ou du cinéma. Les grands succès cinématographiques sont souvent des films très violents, films de guerre, westerns, policiers avec tueurs en série...

Un autre danger évoqué à propos des jeux vidéo est leur virtualité : peut-on confondre le réel et ce que l'on fait à l'écran ?

Pour moi, c'est une autre idée reçue : je n'ai jamais rencontré un joueur s'imaginant par exemple qu'il tuait réellement des gens. D'ailleurs, les jeux de tuerie sont souvent très peu réalistes, plutôt proches de la science-fiction, avec un univers complètement irréel...