Féminin/masculin, les codes ont changé

La beauté est associée à des stéréotypes de genre : force pour les hommes, délicatesse pour les femmes. Mais ces normes sont de plus en plus contestées.

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Victoria et David Beckham posent souvent en couverture des magazines. Ils sont beaux. L’ancienne pop star et le footballeur à la retraite sont minces. À la fois blanches et halées, leurs peaux sont lisses. Les traits de leur visage sont fins et symétriques, leurs cheveux brillants. Ils ne sont pas mannequins, mais ils pourraient l’être. En scrutant leur portrait, on se rend à l’évidence : ils ont de la chance. Si on les trouve si beaux, c’est aussi parce qu’ils incarnent impeccablement les stéréotypes genrés de la beauté. Au-delà d’une base commune – minceur, blancheur, traits fins, peau lisse –, on attend des femmes et des hommes que leurs physiques comportent des spécificités assignées à leur genre. Dans Sexe, race et pratique du pouvoir (iXe, 1992), la sociologue Colette Guillaumin montre que le corps de chacun revêt une fonction sociale, celle « de rendre visible ce qui est considéré comme la division fondamentale de l’espèce humaine : le sexe ». On associe la beauté masculine à la puissance, la virilité : David Beckham est grand, musclé, arbore mâchoire carrée et barbe. Victoria, quant à elle, incarne la féminité délicate : un alliage de minceur et de formes généreuses, des cheveux longs, des lèvres pulpeuses, de grands yeux, un petit nez… En fonction de son genre, plus on se rapproche de ces codes masculins ou féminins, plus on sera avantagé dans notre société.

Source de privilèges pour les deux genres, la beauté peut aussi avoir un revers : elle est parfois associée à une certaine superficialité, à la naïveté, voire à la bêtise. Ce vieux préjugé concerne les femmes comme les hommes. Ovide dépeint le beau Narcisse tellement obsédé par son reflet qu’il en meurt. « La bêtise est souvent l’ornement de la beauté », écrit Charles Baudelaire à propos des femmes. Et Oscar Wilde dresse le portrait d’un Dorian Gray – un jeune homme d’une beauté extraordinaire – superficiel, prétentieux et corruptible. Aujourd’hui, des chercheurs en sciences de gestion parlent aussi de l’effet « beauty is beastly » : pour les femmes, le fait d’être belles peut être préjudiciable dans le monde du travail 1. Leur apparence peut les avantager pour des emplois dits « féminins », mais suscite de la discrimination lorsqu’elles se portent candidates à des postes vus comme « masculins » – notamment dans le management, la finance, la recherche, l’ingénierie mécanique… Une étude émet l’hypothèse que leur beauté met en évidence leur féminité et suscite donc davantage de stéréotypes sexistes.