Rencontre entre Emmanuel Macron et le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger le 23 mai 2017 à propos de la réforme du droit du travail. © Eliot Blondet/Abaca Press/Alamy
Un pays de « gréviculteurs », la France ? Un syndicalisme atone, marqué par son inaptitude à la négociation ? Ces images ont la vie dure… Pourtant, elles sont partiellement injustes. S’il est vrai que le taux de syndicalisation est particulièrement faible, il ne faut pas pour autant en conclure si vite à la faiblesse des organisations syndicales, ni au pouvoir tout-puissant laissé aux employeurs. Le syndicalisme tente de s’adapter aux mutations accélérées du travail et de l’emploi de ces deux dernières décennies, comme la concurrence et les externalisations accrues via des chaînes de sous-traitance ou la digitalisation des activités et des organisations ; mais aussi la précarisation des statuts d’emploi, la fragilisation des collectifs de travail, le développement de plateformes associées à une « ubérisation » de certains emplois, etc.
Un pouvoir institutionnel accru des syndicats
Le déclin des adhésions syndicales, qui a débuté à la fin des années 1970, s’étale en effet sur une vingtaine d’années, mais il s’interrompt ensuite. Ainsi, dans les années 2000-2010, on compte environ 8 % de salariés syndiqués dans le secteur privé et 20 % dans le secteur public. Même si ces chiffres restent modestes et bien inférieurs à ceux de nos voisins européens, les syndicats ont en parallèle gagné en pouvoir dans les années 1980-1990. Confortés par une reconnaissance et des ressources institutionnelles grandissantes, ils ont été progressivement placés au centre des modes de production du droit du travail. De plus en plus incitées à se tenir au niveau de l’entreprise, les négociations collectives ont en effet permis de déroger aux règles issues des conventions de branche et du Code du travail. Adoptant une logique « donnant donnant » , ce type de négociations a été consacré ces dernières années par la loi Travail de 2016 (dans le domaine du temps de travail), reprise et élargie par la réforme Macron de 2017. Même si la négociation change pour une part de signification, sa décentralisation et sa diffusion ont fait des syndicats des interlocuteurs de plus en plus cruciaux grâce à leur capacité à signer des accords.