Freinet et Montessori, la revanche ?

Depuis une dizaine d’années, des collèges et des lycées s’emparent des principes de Célestin Freinet pour lancer des classes coopératives, tandis que Maria Montessori inspire de plus en plus de professeurs des écoles maternelles.

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à Calais, des bennes et des grues ont pris possession du collège REP+ Lucien-Valdez cet été. Mais derrière les murs de cette longue et morne barre qui sera bientôt rhabillée de bois, c’est un autre chantier qui se joue depuis quelques années. En amont de la rénovation architecturale, une révolution pédagogique. Implantée dans le quartier du Beau-Marais où le revenu médian dépasse à peine 500 euros par mois, une équipe d’enseignants a lancé il y a huit ans un projet de classes coopératives, inspiré de la pédagogie Freinet. Les élèves participent à des « conseils coopératifs » tous les quinze jours durant lesquels ils apprennent à débattre, dans une écoute bienveillante. Chaque collégien possède un « plan de travail 1 »* personnel qu’il remplit seul ou avec l’enseignant afin de planifier ce qu’il aura à faire pour les trois prochaines semaines en français et en mathématiques. Les notes sont remplacées par des « ceintures » blanches, jaunes, oranges, vertes, bleues et noires, comme au judo, qui permettent de valider les compétences acquises. À quoi s’ajoutent les semaines à thème, l’entraide, les recherches libres, un cahier de vie, un journal de classe… Ces classes coopératives puisent dans la boîte à outils mise au point dans les années 1920 par le couple Célestin et Élise Freinet, et plus encore dans la pédagogie institutionnelle inventée par les frères Oury. « Ces militants du mouvement Freinet ont voulu adapter les idées de Freinet, qui était à la campagne, au contexte de la grande ville », relève Guillaume Caron, professeur de mathématiques au collège Lucien-Valdez, coauteur de Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée (2e éd., ESF, 2021).

Regain de l’éducation nouvelle

Dans le premier degré, les principes de C. Freinet n’ont jamais cessé d’infuser à bas bruit, sous l’impulsion de l’Institut coopératif de l’école moderne (Icem). Le congrès annuel de cette association créée en 1947 attire encore quelques centaines de personnes. Mais la fièvre de l’éducation nouvelle semble aujourd’hui gagner le collège et le lycée. « On voit émerger depuis une dizaine d’années des enseignants qui s’intéressent à la pédagogie coopérative dans le second degré », assure Bruno Robbes, professeur en sciences de l’éducation. Les expériences lancées à Calais, La Ciotat, Mons-en-Barœul, Castres, Nantes, Grenoble, Aix-les-Bains, Saint-Denis ou Épinay-sur-Seine témoignent d’un regain d’intérêt pour des principes vieux d’un siècle au sein de l’école publique, que C. Freinet avait l’ambition de transformer de l’intérieur.