Chaque enfant est unique. Soit, mais quel parent ne compare pas son développement, puis ses résultats scolaires avec ceux du petit voisin ? Certaines différences agacent, inquiètent, ou flattent au contraire. Est-il « au-dessous » ou « au-dessus » de la moyenne, « à la traîne » ou bien « devant »… à moins qu’il ne semble complètement « à côté » ?
Il est vraiment différent ?
La notion même de décalage questionne ainsi en termes de performances (dans une société qui en attend beaucoup), de chronologie du développement (avec des théories en évolution), ou simplement d’individualité (qu’il faudrait respecter et mieux accompagner). Elle interroge aussi l’idée de frontière entre le pathologique et le « normal », elle-même en discussion chez les pédiatres, psychologues, cognitivistes et neuroscientifiques. Et que faire, surtout, pour que le décalage ne se creuse pas ? Une chance : les diagnostics et les solutions de remédiation s’affinent pour le plus grand nombre, même pour ceux qui vont normalement bien mais qui ratent une marche.
« Madame, je crois que mon enfant est autiste », déclare un jour une mère face au comportement déconcertant de son fils de 3 ans à la psychologue Claire Boutillier, auteur du Mémento de psychologie du développement à l’usage des professionnels de l’accueil des bébés (2012). Deuxième séance : « En fait je pense qu’il est surdoué », reprend la maman soulagée. « Beaucoup de parents ont des idées très précises sur ce qu’ils imaginent du développement normal. Ils lisent des études, échangent sur les forums…, et l’injonction à la performance qui gagne notre société fait monter leur anxiété », observe la praticienne qui comprend l’intention positive initiale, une recherche de l’épanouissement de l’enfant. D’après elle, on ne tiendrait déjà pas suffisamment compte des différences d’âge au sein d’une section à la crèche et surtout à l’école. « L’écart est énorme entre un petit de 2 ans et un autre de 3 ans et demi dans une même classe. On a vite fait de s’alarmer pour les premiers, qui doivent simplement grandir. » De même, avant d’imaginer une pathologie, il faut voir si un possible retard ne vient pas d’une souffrance psychologique. « Un deuil, une situation de violence ou simplement l’arrivée d’un petit frère, peuvent bloquer le développement chez le tout-petit, ou plus tard les apprentissages scolaires », ajoute C. Boutillier. Mais quand le contexte ne fournit pas d’explications suffisantes, les parents cherchent… et trouvent bien des étiquettes pour mettre un nom sur une particularité. La liste est longue et apparaît comme le négatif de la photographie des grandes étapes du développement (encadré ci-dessous), avec toutes les formes de retards, que ce soit global, mental ou moteur et isolé, plus ou moins envahissant avec autisme associé ou non, et entraînant tantôt des difficultés orales telle que la dysphasie, tantôt des freins dans l’acquisition de l’écrit et du calcul en cas de dyslexie, dyscalculie et autres « dys » repérés à l’école. De quoi se faire peur quand les étapes théoriques des acquisitions ne sont pas suivies.