Au sein de la vaste problématique du haut potentiel intellectuel, s’intéresser aux enfants et adolescents qui sont en difficulté scolaire peut paraître paradoxal. Ce qui vient à l’esprit, dès lors, est plutôt d’imaginer que cette difficulté résulte d’un décalage entre le profil intellectuel de l’écolier ou du collégien et l’enseignement qui lui est donné. Certains se sont même récemment élevés contre une prétendue utilisation de ce concept, par certains thérapeutes peu scrupuleux qui y verraient une manne construite de toutes pièces aux dépens de la crédulité des enfants et de leurs familles. Il est moins aisé (et moins fréquent) de concevoir que ces enfants puissent présenter en fait la double caractéristique (d’où leur dénomination en anglais de twice exceptionals) d’avoir à la fois des compétences supérieures dans un domaine et inférieures à la norme dans un autre. Il semble pourtant que cette double occurrence soit de plus en plus souvent rencontrée parmi les élèves référés à nos services pour difficulté d’apprentissage, au point de pouvoir être reconnue comme une typologie particulière et permettre même d’évoquer un mécanisme neurologique particulier.
Notre compréhension de la façon dont les dysfonctionnements de notre cerveau provoquent des difficultés à apprendre a considérablement bénéficié des apports d’une discipline récente : la neuropsychologie. Elle nous apprend qu’un enfant qui n’apprend pas à lire (dyslexique), à calculer (dyscalculique) ou qui a des difficultés dans l’acquisition de la langue orale (dysphasique), ou encore de la coordination des gestes liés à un but (dyspraxique) souffre d’un développement atypique de circuits distincts de son cerveau, eux-mêmes spécialisés dans chaque apprentissage : un circuit de la lecture, en partie distinct du circuit du langage, lui-même distinct du circuit contrôlant les apprentissages moteurs, etc. Cette vision modulaire du fonctionnement cognitif est pour les cliniciens un guide permanent dans la compréhension de chaque cas. Elle permet à la fois de se représenter l’organisation du cerveau d’un individu dans ses forces et ses faiblesses, et donc d’orienter les stratégies thérapeutiques en fonction des constats de l’examen clinique. Évidemment, cela serait très pratique si nous avions la possibilité de réaliser une IRM à chaque enfant souffrant de trouble d’apprentissage, et de « voir » les circuits qui dysfonctionnent, mais cela n’est pas encore réalisable.