« L’Homo économicus a vécu ! » L’avis de décès est paru dans le journal Le Monde du 5 octobre 2018. Il a été rédigé par Jean Tirole, prix Nobel d’économie français.
La même annonce funèbre, dite par un autre économiste, n’aurait pas eu le même effet. Il y a belle lurette que des économistes hétérodoxes refusent le modèle de l’acteur rationnel. Mais il se trouve que J. Tirole fait partie du mouvement mainstream de l’économie. Ce qui donne un lourd poids à sa déclaration.
Le modèle de l’Homo œconomicus est le modèle de référence de l’économie orthodoxe. Il envisage l’agent économique – consommateur ou investisseur – comme un individu rationnel, bien informé et qui gère au mieux ses intérêts. « L’abstraction de l’Homo œconomicus s’est avérée très utile, mais elle ne fait pas longtemps illusion lorsqu’elle est soumise à l’épreuve de certains faits », attaque J. Tirole. La preuve ? Le consommateur de tabac ou d’alcool, qui connaît son intérêt (sa santé) et le coût élevé de son addiction, devrait aussitôt arrêter de fumer ou de boire. Mais l’envie immédiate est souvent plus forte que le choix rationnel. Et les bonnes décisions remises à plus tard. J. Tirole évoque même la tendance à la procrastination : un mot qu’on n’a pas l’habitude de lire sous la plume d’un économiste.