40 pages, 89 articles, un cortège de décrets et d’arrêtés : le grand œuvre de Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale de 2012 à 2014, a été la promulgation d’une loi pour « refonder l’école de la République ». Malgré ses beaux principes, ce texte a été accueilli avec scepticisme sur le terrain. Si chaque ministre veut sa loi, les enseignants français le savent, une publication au Journal officielne suffit pas à réformer l’école. Face aux profondes inégalités territoriales décrites par la sociologue Agnès van Zanten 1, le modèle jacobin centralisateur paraît aujourd'hui impuissant.
Souvent montrée en exemple pour ses bons résultats, la Finlande a transformé son système éducatif à la fin des années 1960 en inversant complètement la perspective. Elle a en effet accordé une très grande autonomie aux acteurs locaux, partant du principe qu’ils étaient les premiers acteurs du changement. Là-bas, écrit Paul Robert, principal de collège et auteur d’un livre sur le sujet 2, « les professeurs jouissent d’une liberté totale pour développer des méthodes et des approches personnelles » et « d’une grande confiance et d’une grande considération ».
Cette confiance, la rue de Grenelle peine encore à l’accorder aux 842 000 enseignants placés sous sa coupe – considérant qu’une trop grande différenciation pédagogique entre les classes pourrait compromettre le principe républicain d’égalité. Mais les lignes bougent peu à peu… Lancé par Jack Lang en 2000, oublié ensuite, le Conseil national de l’innovation vient de renaître. Autre signe encourageant, les Journées de l’innovation connaissent un beau succès : la quatrième édition, organisée en mars à la BnF à Paris, a mis en valeur plus de 500 actions. Également porté par le ministère, le site Expérithèque 3 recense plus de 2 500 expérimentations. Enseignants, chefs d’établissements, inspecteurs y décrivent, souvent avec humilité, leurs tentatives pour repenser le face-à-face pédagogique, l’évaluation ou le lien avec les parents… Nous vous invitons à partir à leur rencontre.
1 - Transformer l’espace de la classe
Une classe vide : voici ce qu’ont trouvée les 23 petites sections de l’école maternelle de Stenay (Meuse) le jour de la rentrée, l’an dernier. Pas de mobilier, des murs sans affichage, le matériel rangé dans des caisses… Les premiers jours, les enfants se sont simplement assis par terre et ont puisé dans les caisses comme dans une malle aux trésors, sortant poussettes, poupées, jeux de construction ou perles. Rapidement confrontés au désordre et au manque de confort, ils demandent des bancs puis commencent à ranger et à trier. « Le groupe construit progressivement des apprentissages en s’appropriant l’espace », explique l’enseignante, Julia Beguinet.