Au cours des dernières décennies, la situation des femmes en France s'est considérablement améliorée, en termes de droits formels et réels. Elles ont eu accès au marché du travail, acquis le droit de disposer de leur corps, et une loi dite « sur la parité » en politique a été votée en 2000. Mais ces progrès ne doivent pas masquer le fait que des inégalités importantes persistent entre elles et les hommes, inégalités que l'on pourrait d'ailleurs appeler discriminations, tout particulièrement dans trois domaines : le travail, les violences (voir les encadrés p. 22 et 23) et la politique à laquelle sera consacré le développement qui suit 1.
L'histoire commence mal. A plusieurs reprises, entre les deux guerres, les Françaises se voient accorder le droit de vote par la Chambre des députés mais celle-ci est à chaque fois contredite par le Sénat. Il leur faut donc attendre le 21 avril 1944 pour enfin obtenir le droit de se rendre aux urnes et d'être élues. Bien après nombre de leurs consoeurs européennes notamment les Finlandaises qui le reçoivent en 1906, les Danoises (1915), les Autrichiennes (1918), les Allemandes (1918), les Irlandaises (1918), les Luxembourgeoises (1919), les Hollandaises (1919), les Suédoises (1921), les Anglaises (1928) et les Espagnoles (1931). La France est donc l'un des derniers pays d'Europe à proclamer le suffrage universel, juste avant l'Italie, la Belgique, la Grèce, Chypre, la Suisse et le Liechtenstein.
Comment les Françaises ont-elles utilisé leur droit de vote ? Trois temps marquent leur parcours 2. Le premier est celui de l'apprentissage et dure jusqu'à la fin des années 60. Les femmes s'abstiennent plus que les hommes et se prononcent moins souvent qu'eux en faveur des partis de gauche. Le deuxième temps est celui du décollage ; il intervient dans les années 70. Les femmes se mettent à participer aux scrutins autant que les hommes et l'écart sur le vote de gauche diminue. Puis vient le temps de l'autonomie, à partir de 1986, date à laquelle elles soutiennent dans les mêmes proportions que les électeurs les candidats de gauche. Sans toutefois copier intégralement leurs choix : elles votent parfois plus à gauche qu'eux et, surtout, sont moins disposées à voter pour l'extrême droite. Lors des récentes élections régionales (2004), 12 % d'entre elles ont choisi des listes Front national/extrême droite contre 21 % des hommes (Sofres). La population féminine française a donc évolué en harmonie avec celle d'une large part de l'Europe où les femmes n'ont plus grand-chose à voir avec les abstentionnistes et les conservatrices d'autrefois. Il n'en va pas de même pour ce qui concerne l'accès à l'éligibilité.
Les femmes et les hémicycles
Pendant longtemps, la France a occupé, pour ce qui concerne la place des femmes dans les assemblées élues, la position peu enviable d'avant-dernier de la classe au sein de l'Union européenne. Les débuts ont été difficiles et les progrès, pendant longtemps, quasiment inexistants. D'ailleurs, soixante ans après l'instauration du suffrage universel en France, les femmes sont toujours très peu représentées à l'Assemblée nationale et au Sénat malgré la loi sur la parité sur laquelle on reviendra. Lors des débats qui ont accompagné le vote de cette loi, on a souvent entendu dire qu'il vaudrait mieux laisser les choses évoluer « naturellement ». Or que se passe-t-il lorsqu'on laisse les choses évoluer naturellement ? Cela donne 5,6 % de femmes dans l'Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945 (3,5 % en 1951 à l'Assemblée nationale, 1,5 % en 1958) et 6,1 % après les élections législatives de 1993. La première - très légère - augmentation de ce pourcentage est observée en 1997 (10,9 % de députées) en raison d'une action volontariste de Lionel Jospin qui avait imposé au Parti socialiste de réserver 30 % des circonscriptions à des candidates (finalement il y en aura 28 %) 3.
Avec ce chiffre de 1997, la France demeure à l'avant-dernier rang des pays de l'Union européenne, juste avant la Grèce. Après les élections législatives de 2002, les femmes sont 12,3 % à être députées, la France devançant alors l'Italie (11,3 %). Les autres pays d'Europe sont, pour certains, bien loin devant nous pour ce qui concerne l'accès des femmes au statut de représentantes, jugées aptes à voter les lois. Il faut citer dans l'ordre décroissant la Suède (45 %), le Danemark (38 %), la Finlande (37,5 %), les Pays-Bas (37 %), l'Espagne (36 %), la Belgique (35 %), l'Autriche (34 %), l'Allemagne (32 %), le Portugal (19 %), le Royaume-Uni (18 %), le Luxembourg (17 %), la Grèce (14 %) et l'Irlande (13 %).
La France voit son étoile briller un peu plus si on prend en compte la proportion de femmes membres du gouvernement. En 2003, on comptait 26 % de ministres du « deuxième sexe », ce qui nous plaçait avant le Royaume-Uni, l'Autriche, le Portugal, l'Irlande, l'Italie et la Grèce, mais là encore loin derrière des pays comme la Suède (50 %), la Finlande (40 %) ou l'Allemagne (43 %). Depuis la nomination du gouvernement Raffarin III (2004), on ne compte plus que 10 femmes (sur 43 ministres et secrétaires d'Etat) soit 23,2 %. Le gouvernement Jospin (1997) en comprenait 30,7 %. Le nouveau gouvernement espagnol formé en 2004 sous la houlette de José Luis Rodriguez Zapatero est quasiment paritaire avec 47 % de femmes. Comme l'écrivait Geneviève Fraisse, en France, les femmes « gouvernent mais ne représentent pas4 ».