Innovation sociale : laboratoire des solidarités de demain ?

Les initiatives qui composent l’innovation sociale forment une nébuleuse aux frontières floues, mais qui ne cessent 
de grappiller du terrain à mesure que 
l’État providence décline.

Quand on pense à l’acte d’« innover », on songe tout de suite à toute une panoplie d’objets issus des nouvelles technologies, tablettes et smartphones en tête. Mais si l’innovation ne concernait pas que les écrans tactiles et les imprimantes 3D ? Si son but était aussi de répondre à des besoins sociaux ?

En Hollande, un nouveau concept de café a, par exemple, vu le jour en 2009 : chacun peut y apporter ses objets cassés, et est gratuitement conseillé par des experts en bricolage pour les réparer 1. Les Paniers de la mer, installés en Bretagne dès 1997, récupèrent sur les ports les poissons invendus qui sont ensuite conditionnés par des salariés en insertion et redistribués à des associations d’aide alimentaire 2. En Suède, la banque sociale Jak accorde des prêts à des taux très faibles aux petites entreprises et aux associations grâce à l’épargne de ses 35 000 adhérents 3.

Ces trois initiatives ont un point commun : elles répondent à des attentes sociales mal ou non satisfaites, et sont liées à ce titre de l’innovation sociale. Lutte contre le gaspillage, aide à l’insertion, autonomie financière…, les champs qu’elle investit sont innombrables. En France, le ministère de l’Économie sociale et solidaire (ESS) – remplacé par un secrétariat d’État homonyme après le remaniement de mars 2014 – a été créé il y a deux ans pour s’occuper de ces nouvelles formes d’entreprenariat.

 

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L’ESS, un secteur fourre-tout

L’ESS correspond à l’ensemble des structures qui tentent de concilier utilité sociale et viabilité économique. Utopique ? Pas tant que ça : ce pan de l’économie réalise au moins 10 % du PIB en France, et emploi plus de deux millions de salariés 4.

Il faut néanmoins noter que ce secteur d’activité regroupe des organisations très diverses, tant par leur taille que par leur forme juridique. Ainsi, au sein de l’ESS, se retrouvent aussi bien les clubs de judo (associations) que la Maif (mutuelle) ou les supermarchés Leclerc (coopérative). Un secteur dès lors traversé par trois types de tensions, selon le journaliste Philippe Frémeaux : la récupération, l’instrumentalisation et la banalisation.

La récupération correspond à la reprise par l’État ou par une entreprise privée d’une initiative issue de la société civile. Un exemple : le covoiturage, né de citoyens désireux de partager leurs frais de transport et de limiter leur empreinte écologique, est devenu un business très lucratif grâce à des sites comme BlaBlaCar. Gratuit jusqu’en 2011, le site retient aujourd’hui environ 15 % de commission sur chaque mise en relation d’usagers.