Pour comprendre l’insertion professionnelle des jeunes résidant dans les quartiers populaires, il faut démêler des questions croisées et rappeler ce que cache la « banlieue ». Avant d’être une explication en soi, le territoire est le réceptacle des conséquences de l’augmentation des inégalités. La ségrégation urbaine est un symptôme plus qu’une cause explicative. En 2015, la politique de la ville recense 1 296 « quartiers prioritaires » regroupant 4,8 millions d’habitants. En comparant les caractéristiques de ces quartiers à celles des villes qui les abritent, on voit à quel point ils opèrent comme des concentrés objectifs de marginalités : 24 % de jeunes de moins de 14 ans (contre 18 %), un taux de pauvreté de 42 % (contre 16 %), un taux de diplômés bac + 2 et plus de 20 % (contre 44 %), 31 % de personnes d’origine immigrée (contre 11 %), 14 % de ménages avec 5 personnes ou plus (contre 8 %), etc. Dans ces conditions, la jeunesse de ces quartiers connaît une insertion professionnelle plus difficile que le reste de la jeunesse des autres quartiers des mêmes villes : 31 % des moins de 30 ans y sont au chômage (contre 17 %).
La dimension symbolique
À la mécanique des inégalités sociales s’ajoute la puissance de la dimension symbolique. Les « jeunes de banlieue » font figure de repoussoir et sont sommés de se construire avec l’image qu’ils se font de ce que « les autres » se font d’eux-mêmes. Ils éprouvent une conscience de condition qui se vit au carrefour du racisme, de l’illégitimité culturelle, de l’illégitimité de l’histoire migratoire, du stigmate territorial et d’une certaine phobie liée à la pratique de la religion musulmane. Cette condition, éprouvée différemment selon les trajectoires, fait que la stigmatisation ne renvoie jamais à un facteur exclusif. Elle pèse et s’impose dans les imaginaires : plus de 90 % de la population française âgée de 18 à 50 ans pense, par exemple, que les discriminations dues à l’origine ou la couleur de peau sont une réalité – un chiffre qui dit autant de la prégnance d’un phénomène difficile à mesurer que de sa visibilité en tant que problème. De fait, le diplôme reste un bouclier, mais il ne protège pas tout le monde de la même façon. Si 32 % des diplômés de niveau BEP/CAP ou inférieur habitant les quartiers prioritaires sont au chômage, ils ne sont plus que 19 % parmi les diplômés d’un bac + 2. Le chiffre tombe à… 9 % pour les diplômés bac + 2 qui ne résident pas dans un quartier prioritaire.