Kant et la paix universelle

Selon Emmanuel Kant, seuls la morale et le droit sont en mesure d’amener la paix entre les hommes et entre les nations. Une idée neuve en 1795, mais qui fera son chemin au 20e siècle, même si elle reste encore loin du but.

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Le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) a porté l’humanisme jusqu’à son extrême aboutissement : la reconnaissance de l’humanité comme une fin en soi. Il a placé la personne humaine au-dessus de tout prix, la déclarant insusceptible d’être réduite à un simple moyen pour les fins d’autrui. Le respect de la dignité que confère à l’homme la dimension suprasensible de sa nature, sa raison législatrice, source de la loi morale, s’impose donc à toute action individuelle ou collective. Toute pratique politique doit donc se soumettre à cette injonction éthique par le recours au droit, tant à l’intérieur des États que dans les relations qu’ils entretiennent entre eux. La raison en effet « énonce en nous son veto irrésistible : il ne doit y avoir aucune guerre ; ni celle entre toi et moi dans l’état de nature, ni celle entre nous en tant qu’États, qui, bien qu’ils se trouvent intérieurement en état légal, sont cependant dans leurs rapports réciproques dans un état dépourvu de lois – car ce n’est pas ainsi que chacun doit rechercher son droit. » Que la politique « plie le genou devant le droit », « rende hommage à la morale » est donc, pour Kant, la condition de l’extinction progressive de la belligérance qui caractérise la scène internationale.

Le projet de paix perpétuelle

C’est à l’occasion des traités de La Haye et de Bâle qui, en 1795, disloquent la première coalition contre la France révolutionnaire, que Kant publie son Projet de paix perpétuelle. Il y reprend la vision de l’état de nature décrit par Thomas Hobbes (1588-1679) : l’état naturel est la guerre, c’est-à-dire sinon un état d’hostilité ouverte, du moins un état où règne la menace continuelle. L’état de paix doit donc être construit, c’est-à-dire institué. Il s’agit de constitutionnaliser les rapports entre les hommes, de les réguler par des médiations juridiques capables de remédier à leur « insociable sociabilité ».