Avant d’être révolutionnaire, Karl Marx a failli être philosophe. En 1841, à l’âge de 24 ans, le jeune homme vient de passer son doctorat de philosophie. Sa thèse porte sur la Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure. Derrière le débat érudit, il y a déjà deux conceptions de la liberté et une confrontation aux thèses de Georg Hegel, dont la pensée à l’époque tient lieu de « philosophie d’État de la monarchie prussienne » (Friedrich Engels). Le jeune Marx appartient alors à un petit cercle de « jeunes hégéliens ». Ce groupe réunit des disciples agités de G. Hegel. Ils adoptent certaines idées du maître : l’idéalisme (l’histoire est le devenir progressif de la raison), la dialectique (le devenir se fait par conflits entre force contraires). Mais ils refusent sa lecture conservatrice : l’État prussien n’est pas la réalisation de la raison, le christianisme n’est pas la vertu incarnée, il est « l’opium du peuple » et le suppôt d’un ordre social. Il faut retourner « les armes de la critique », contre la philosophie d’État et la religion.
Durant les années 1841-1847, Marx va s’émanciper de ce milieu. Il s’engage dans le mouvement ouvrier naissant, vient à Paris, puis en Belgique, se lance dans le journalisme d’idées, rencontre les révolutionnaires parisiens, se lie d’amitié avec F. Engels. Sa pensée se radicalise et, en quelques années, il rompt avec ses attaches philosophiques et élabore une nouvelle vision du monde.
Les hégéliens sont athées ? Lui va plus loin, il récuse l’idéalisme en général et se proclame matérialiste. Ils croient que les idées peuvent changer le monde ? Lui pense de plus en plus que le monde change par le bas : l’économie, le travail, les conflits de classes.