En France, l’Afrique étudiée en classe de cinquième n’est pas toute l’Afrique, mais l’Afrique subsaharienne, ou l’Afrique noire – les deux expressions sont utilisées dans les instructions officielles. L’objectif de cette leçon, dont la nouveauté a pu heurter certains partisans d’une histoire plus nationale, est de rompre avec l’idée encore bien ancrée que cette Afrique sise au sud du Sahara aurait été en marge de l’histoire comme une île hors du monde. Le choix a donc été de mettre l’accent sur deux espaces majeurs : l’Afrique occidentale et l’Afrique orientale. Ces régions d’interface ont sans doute été privilégiées par la mondialisation musulmane, et ceci explique en partie que ces régions aient été les lieux de constructions politiques importantes comme l’empire du Ghâna, l’empire du Mâli 1, l’Empire songhaï, et l’empire du Monomotapa.
Cependant, on peut s’interroger sur l’emploi de la notion d’« empire ». Il résulte d’une habitude historiographique plus que d’une véritable analyse conceptuelle. L’existence d’États n’est pas en doute, mais la qualification d’« empire » pose question, d’autant que la connaissance historique de ces royaumes reste souvent incertaine. Au contraire, comme le souligne Thomas Vernet 2, parler d’« empires » contribuerait à une certaine mystification autour d’un âge d’or du « Moyen Âge africain » – autre notion à déconstruire –, par rapport à l’histoire plus récente de l’Afrique, qui serait moins glorieuse. Ni « siècles obscurs » ni « siècles d’or », cette période est délimitée par deux événements majeurs, à savoir l’expansion musulmane aux VIIe-VIIIe siècles et l’expansion européenne aux XVe-XVIe siècles, dont l’influence sur l’histoire africaine est incontestable, mais qui ne constituent pas des ruptures brutales dans une perspective plus afrocentrée.
1. Le nom du Ghâna
Ghâna, roi de l’Awkar. Ghâna, l’agglomération jumelle décrite par le géographe arabe al-Bakrî, la ville des musulmans d’un côté, identifiée dans le site archéologique de Kumbi, la ville du roi plus loin, introuvée. Comme l’écrit Jean-Louis Triaud (3 3), le Ghâna, « qui a l’avantage d’être située à la lisière des cultures nègres et arabo-berbères, apparaît comme la porte d’entrée de l’Afrique noire et de son histoire. Sa lisibilité et sa visibilité tiennent d’ailleurs à cette proximité relative de l’aire méditerranéenne, qui l’intègre dans un espace “civilisé” ». Ce n’est pas un hasard si on débute souvent l’histoire du Moyen Âge africain avec ce royaume ancien dont l’histoire se termine aux alentours du XIIIe siècle, et dont les origines se perdent au-delà du VIIIe siècle dans les limbes des légendes racontées par les griots.