L'attention, ça s'enseigne ! Rencontre avec Jean-Philippe Lachaux

Chercheur en neurosciences à l’Inserm, Jean-Philippe Lachaux a dirigé pendant deux ans le programme Atol « Attentif à l’école ». Objectif : développer des outils pour apprendre aux élèves à se concentrer.

« Manque d’attention », « Concentre-toi ! » Ces remarques sanctionnent fréquemment la scolarité des enfants. Elles font écho au déficit attentationnel dont souffrent aussi nombre d’adultes. Trop d’écrans, de multitâches et de sollicitations en tout genre l’expliquent. Or, il ne serait jamais trop tôt, ni trop tard, pour éduquer le « sens de l’équilibre attentionnel ». C’est la conviction de Jean-Philippe Lachaux, chercheur en neurosciences, qui lance un programme offrant de nouveaux outils aux enseignants. Environ 1 000 élèves de 35 classes, de la moyenne section à la cinquième, en ont déjà bénéficié. Et ils en redemandent !

 

Quels étaient vos objectifs en lançant l’expérimentation ?

Le projet initial part du constat que les apprentissages ne reposent pas seulement sur la transmission des savoirs mais aussi sur des fonctions cognitives déterminantes dans les mécanismes d’attention et distraction. Ces phénomènes, avec des activations variables des aires cérébrales selon les stimulations sensorielles, verbales, etc., échappent souvent à la volonté et à la conscience, d’où l’inefficacité des injonctions et des reproches envoyés à l’élève pour l’inciter à se concentrer. Toutefois, on peut apprendre à reconnaître et à maîtriser ces mécanismes attentionnels. Les bénéfices sont multiples : faciliter la compréhension et la mémorisation, bien sûr, mais aussi restaurer la liberté d’être attentif ou non, sans être assujetti à la force de dispersion. De quoi résister toute la vie à la captation indue de « temps de cerveau disponible » et rester un individu libre ! C’est pourquoi je reprends souvent une phrase du père de la psychologie cognitive William James : « Une éducation qui développerait ces facultés (de stabiliser son attention) serait l’éducation par excellence » (1890).