Décembre 2016. Le député Daniel Fasquelle soumet à l’Assemblée nationale une proposition de résolution visant à interdire les pratiques psychanalytiques dans la prise en charge de l’autisme. Soutenue par la plupart des associations de familles d’enfants autistes, cette initiative crée une onde de choc au sein de la pédopsychiatrie où la psychanalyse reste le modèle de référence. Plusieurs collectifs de psychiatres en appellent au président Hollande, brandissant une atteinte à la liberté de penser. Des parents aussi se font entendre, réclamant la liberté de choisir son thérapeute et l’arrêt des hostilités. Chaque camp lance des pétitions sur le Net et compte ses points. Finalement, la résolution est rejetée par l’Assemblée, mais après avoir déchaîné des passions violentes. Pourquoi tant d’émotions ?
Des théories controversées sur son origine
L’autisme a longtemps été considéré comme une maladie mentale. On doit sa première description au pédopsychiatre autrichien Leo Kanner, qui employa en 1943 pour la première fois le terme d’autisme infantile (du grec autos = soi-même). Il en retint deux caractéristiques principales : l’isolement (aloneness) et l’intolérance au changement (sameness). L. Kanner crut remarquer des particularités chez les mères de ces enfants qu’il décrit alors comme « froides » et distantes. Naît alors le concept des « mères réfrigérateurs » repris par la suite par d’autres de ses confrères dont le plus commenté fut le psychanalyste Bruno Bettelheim et sa théorie de la forteresse vide. B. Bettelheim fit un parallèle entre l’univers concentrationnaire et le vécu de l’enfant autiste. Dans son esprit, il fallait couper ces enfants du lien pathologique qui les reliaient à leurs parents. Aujourd’hui, ces prises de position font partie du passé. Mais beaucoup de parents restent marqués par ces anciens discours, culpabilisant pour eux, et affichent une grande méfiance à l’égard de la psychanalyse.
Des psychoses précoces aux troubles du spectre autistique
Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’on commença à parler de « troubles envahissants du développement ». Aujourd’hui, la grande majorité des professionnels admettent que l’autisme est principalement dû à un développement anormal du cerveau. Le cerveau des enfants autistes est en général plus petit que la moyenne à la naissance, puis se développe au contraire beaucoup plus rapidement que la normale jusqu’à l’âge de 2 ans. Les zones associées au traitement visuel situées en arrière du cerveau sont très actives, les régions frontales où se fait l’essentiel du traitement de l’information et d’organisation des tâches plutôt en sous régime. Ce qui pose problème est plus particulièrement la faiblesse des connexions entre différentes aires cérébrales. À l’origine de ces dysfonctionnements, des facteurs génétiques. Les études montrent un risque accru pour les vrais jumeaux (entre 60 et 90 %), qui tombe à seulement 10 % pour les faux jumeaux ou les frères et sœurs. Mais les chercheurs sont loin d’avoir trouvé le gène de l’autisme. Une multitude de variations semblent en jeu. Des facteurs environnementaux pourraient également jouer un rôle, comme des infections ou le contact avec des toxiques pendant la grossesse, un manque d’oxygénation au moment de l’accouchement ou un faible poids à la naissance.
Bernadette Rogé, 3e éd., Dunod, 2015. Laurent Mottron, Mardaga, 2016. Myriam Perrin (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2015. Yehezkel Ben-Ari, Éric Lemonnier et Nouchine Hadjikhani, De Boeck/Solal, 2015.