Dès ses origines, l’école républicaine s’est heurtée à la diversité des cultures. C’est pour unifier un territoire constitué d’une myriade de particularismes régionaux et de colonies que l’école devient gratuite, laïque et obligatoire par les lois Ferry de 1881 et 1882. Le ministre de l’Instruction publique cherchait notamment à soustraire les enfants à l’enseignement catholique hérité de la IIe République. « Il n’y a pas en France de religion d’État, mais il n’y a pas non plus en France d’irréligion d’État », affirmait Jules Ferry à la Chambre des députés en 1882. Et d’ajouter, afin de faire de l’école publique un lieu consensuel et inclusif, que les enseignants qui « outrageraient les croyances religieuses de n’importe qui » seraient durement sanctionnés.
Ces égards envers les croyants ont été fortement ébranlés, en particulier dans les années 1980, alors que l’école accueille des publics musulmans venus des anciennes colonies. En 1985, l’anthropologue Jacques Berque alerte le ministre de l’Éducation quant à « la nécessité pour l’école de relever le défi de cette nouvelle pluralité des cultures ». Il suggère d’inclure dans les contenus scolaires les cultures, les religions et les langues des élèves issus de l’immigration.
Ces propositions se heurtent à une vision plus rigide des principes républicains, exprimés notamment à la suite de l’affaire des foulards de Creil en 1989. Trois collégiennes musulmanes refusent alors de se découvrir, une atteinte au principe de laïcité selon le principal. Le gouvernement laissera le soin aux chefs d’établissement de régler les litiges jusqu’en 2004, année de publication d’une loi interdisant aux élèves de porter des signes religieux. C’est une première : l’obligation de neutralité religieuse ne concerne plus seulement les fonctionnaires mais le public.