Entretien avec Jean-Guy Vaillancourt

« L'environnement est une construction sociale »

Depuis vos premières études sur le mouvement vert jusqu'à vos réflexions sur le développement durable en passant par vos travaux sur les pluies acides, les déchets ou les changements climatiques, vous avez côtoyé de nombreux chercheurs d'horizons différents. Quel est l'apport des sciences humaines et sociales à l'étude des questions environnementales ?

L'environnement fait l'objet d'une approche humaine et sociale surtout à partir des années 20, avec le développement de l'écologie humaine qui ne se limite plus, comme en écologie, à l'étude des rapports des êtres vivants à leur milieu naturel, mais l'étend au milieu bâti. A l'université de Chicago, les sociologues Robert Park, Roderick MacKenzie et Ernest Burgess ont ainsi analysé la façon dont les individus occupaient des territoires urbanisés, notamment les relations de voisinage et la ségrégation spatiale des minorités. Cette écologie humaine faisait néanmoins peser un certain déterminisme du milieu urbain sur les problèmes sociaux (c'est un peu comme si les murs des taudis à Chicago sécrétaient la délinquance...).

Cela a favorisé l'émergence, dans les années 30, d'une écologie sociale insistant à l'inverse sur l'influence des phénomènes sociaux sur l'environnement. D'autre part, des chercheurs en sciences naturelles se sont vite aperçus que les problèmes environnementaux ne pouvaient pas être traités sans tenir compte de leurs aspects sociaux, politiques et économiques. C'est le cas du botaniste québécois Pierre Dansereau qui a élargi la perspective étroite de l'écologie végétale et animale à la géologie, à la géographie, à l'anthropologie, mais aussi à la sociologie, à l'économie et à la science politique. La biogéographie, telle que ce pionnier de l'écologie l'a conçue en 1957 dans Biogeography: An ecological perspective, étudie toutes les formes de vie, y compris humaine, ainsi que les relations entre l'environnement physico-chimique et l'habitat. Sa perspective a contribué à montrer comment les déplacements, les guerres, les pratiques agricoles, l'industrialisation et l'urbanisation affectent l'occupation du sol.