L'essor de la psychanalyse. Le monde à la mode de Vienne

Pratiquée à l’origine par une poignée de médecins viennois, la thérapie psychanalytique a connu un engouement exceptionnel outre-Atlantique après la Première Guerre mondiale et jusqu’aux années 1960.

Il existe au moins un point sur lequel défenseurs et adversaires de la théorie freudienne tombent d’accord : la psychanalyse a connu un extraordinaire succès au XXe siècle, au point de s’identifier pour beaucoup à la psychothérapie tout court. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au début, plusieurs écoles de psychothérapie se partagent le marché des « psychonévroses », notamment la thérapie hypnotico-suggestive d’Hippolyte Bernheim et la thérapie par persuasion de Paul Dubois. Le neurologue Sigmund Freud, quant à lui, est une figure essentiellement viennoise chez qui se réunit, à partir de 1902, un petit groupe de disciples comme Alfred Adler et Wilhelm Stekel.

La psychanalyse cesse d’être une affaire locale en 1904, lorsque les travaux de Freud attirent l’attention du psychiatre Carl Gustav Jung et de son chef Eugen Bleuler, directeur de la fameuse clinique psychiatrique du Burghölzli, à Zurich. Le Burghölzli, où viennent se former à la psychanalyse de jeunes psychiatres européens comme Sándor Ferenczi, Karl Abraham et Ernest Jones, devient une tête de pont à partir de laquelle Freud entreprend de « conquérir la psychiatrie ». Au niveau institutionnel, ce projet est un échec total. Irrités par ce qu’ils considèrent comme le sectarisme et l’amateurisme des freudiens, les grands patrons de la psychiatrie allemande réagissent avec violence à l’offensive lancée par le « médecin des nerfs » de Vienne. En 1913, après huit ans de polémiques furieuses, la psychanalyse est solennellement condamnée par la profession entière lors du congrès de l’Association allemande de psychiatrie tenu à Breslau. Un an plus tard, c’est Jung qui quitte le navire freudien (A. Adler, W. Stekel et E. Bleuler l’ont précédé en 1911 et 1912).

• Heinz Hartmann, 1939, rééd. Puf, 1968.• Nathan Hale, 1971, rééd. Les Empêcheurs de penser en rond, 2002.• Alain de Mijolla (dir.), 2e éd., Hachette, 2005.• Eli Zaretsky, Albin Michel, 2008.